Amusez-vous, foutez-vous d'tout (...) La vie après tout est si courte... Cette chanson date tout de même de 1934 mais nous sommes nombreux parmi le public à l'avoir déjà entendue. Il faut dire que les paroles sont du grand Sacha Guitry (et de W. Heymans), musique de A. Willemetz, créée par Henri Garat et tirée de l'opérette Florestan 1er, Prince de Monaco.
Le spectacle alterne les saynètes et les chansons, chorégraphiées à la perfection. Le rythme est soutenu. Heureusement que les comédiens ne sont pas tous mobilisés par chaque scène parce que ce serait épuisant pour eux.
C'est une des qualités de cette Affaire Courteline que de permettre les changements de rôle et donc de personnages. Une autre est de nous faire entendre ce texte si savoureux, même après tant d'années, et qui a du inspirer plus d'un humoriste : S'il fallait tolérer aux autres tout ce qu'on se permet à soi-même, la vie ne serait plus tenable.
On est étonné de découvrir qu'il y avait déjà des frotteurs dans les autobus, que l'employé, qui est loin d'être modèle, ose justifier une absence de 15 jours avec une mauvaise foi désarmante, je n'peux pas m'tuer pour 200 francs par mois. Plus tard un autre de ces personnages truculents prononcera une autre de ces répliques qui réjouissent le public : je ne vois nulle honte à être un vieux cochon mais beaucoup de ridicule à être un vieux imbécile. Ce sont tous des phénomènes. On a envie de se souvenir de chaque réplique pour la recaser ultérieurement. Cette dame à la drôle de philosophie est impayable : je ne pense jamais, ça me fatigue, ou si je pense je ne pense à rien.
Ils s'appellent Sigismond, monsieur Badin, les Proute, Bezuche, Eponine, Champignon, Canuche... Leurs dialogues sont, c'est vrai, truffés de mots à double entente (sic). Quand l'un affirme Plus je crois en ce que je ne comprends pas, son voisin répond : je ne crois qu'à l'absurde.
Les chansons sont de très jolis moments. Comme Je n'suis pas bien portant, écrite en 1932 par un comique troupier, Gaston Ouvrard, qui la chanta pendant soixante ans. On entendra aussi
la chanson la plus connue de Colette RenardLes Nuits d'une demoiselle, régulièrement reprise par des artistes contemporains comme Victoria Abril, Clothilde Courau, Jeanne Cherhal ou Mathilde pour son premier album après The Voice. Ce pas de quatre aura été très applaudi, ce qui est mérité.La Compagnie La Boîte aux Lettres nous régale une fois de plus, après son très réjouissant “Le jeu de l’Amour et du Hasard“, de Marivaux, en 2017 et qui m'avait enthousiasmée. La mise en scène de Salomé Villiers était très réussie. Elle est cette fois Chichichette.C'est un grand plaisir que nous offre une vraie troupe sous la direction de Betrand Mounier (qui interprète aussi le rôle de Sigismond). On remarque Etienne Launay (Champignon) qui est aussi le metteur en scène du Monte-plats, un étage au-dessus, dans ce même théâtre, dans un style très différent. Et bien entendu la pétillante Isabelle De Botton, dans un autre registre que son précédent spectacle, la Parisienne d'Alexandrie.
Offrez-vous cette Affaire Courteline qui éreinte les travers de la bourgeoisie de la fin du XIX° siècle. C'est un joli divertissement. Les comédiens vous donnent l'argument en reprenant pour le final la première chanson :
On n'est pas ici-basPour se faire du tracas.Amusez-vous, foutez-vous d'toutLa vie passera comme un rêveFaites les cent coups, dépensez toutPrenez la vie par le bon bout.Et zou… L'Affaire CourtelineMise en scène par Bertrand Mounier (primé aux P'tits Molières) du 21 mars au 6 mai 2018
Avec Isabelle de Botton, Salome Villiers (ou Raphaëlle Lemann), Philippe Perrussel, Etienne Launay et François Nambot et Pierre Helie.
Au théâtre Lucernaire
Du mardi au samedi à 19h et le dimanche à 15h.53 rue Notre-Dame-des-Champs - 75006 Paris
01 45 44 57 34Photos © Franck Harscouet