Alabama Song

Par Liliba

Gilles LEROY

Présentation de l'éditeur
Montgomery, Alabama, 1918. Quand Zelda, "Belle du Sud", rencontre le lieutenant Scott Fitzgerald, sa vie prend un tournant décisif. Lui s'est juré de devenir écrivain : le succès retentissant de son premier roman lui donne raison. Le couple devient la coqueluche du Tout-New York. Mais Scott et Zelda ne sont encore que des enfants : propulsés dans le feu de la vie mondaine, ils ne tardent pas à se brûler les ailes... Gilles Leroy s'est glissé dans la peau de Zelda, au plus près de ses joies et de ses peines. Pour peindre avec une sensibilité rare le destin de celle qui, cannibalisée par son mari écrivain, dut lutter corps et âme pour exister... Mêlant avec brio éléments biographiques et imaginaires, Gilles Leroy signe ici son grand "roman américain".

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Je ne connaissais pas du tout la vie de Scott Fitzgerald, et moins encore celle de sa femme et j'ai très vite été prise dans le tourbillon de leurs nuits folles et de leurs jours tristes, dans cet univers d'artistes géniaux et décadents, passant de la gloire à la décrépitude, de l'amour à la haine, mêlant le sublime au sordide sans qu'on puisse démêler l'un de l'autre (l'un ne pouvant, sans doute, pas exister sans l'autre). Cela m'a donné envie de relire Gasby, dont je n'ai qu'un vague souvenir, ainsi que d'autres livres de Fitzgerald, et d'en savoir un peu plus sur cette Zelda, qui est terriblement attachante dans le roman, persécutée, incomprise, malheureuse au point de devenir presque folle. J'ai souffert avec cette femme dévergondée et choquante, qui ne vivait en fait que dans l'ombre de son mari, qui s'est tue toute sa vie par amour, pour finir bafouée, reniée, enfermée... Quel tragique destin, que de gâchis !

Très beau livre, donc, qui m'a beaucoup touchée, émue. J'ai aimé l'histoire, et j'ai aimé l'écriture, mélange de non-dits et de phrases incisives, directe, et malgré tout poétique.

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Extraits : "Tu m'emmèneras au nord, dans ces villes de ton enfance, Buffalo, Niagara, ensemble on se jettera dans les chutes pour voir qui rebondit le mieux."

"Mais que croient-ils, les imbéciles ? Ses livres lui passent par le corps, ses romains trop rares et ses textes mercenaires tellement, tellement nombreux. Accessoirement, ses livres sont passés par mon corps aussi. Les gens, écrire, pour eux, c'est comme une longue conversation que l'on aurait avec soi-même, comme une confession devant le prêtre de la famille [... ] et pour  d'autre encore, écrire c'est comme se coucher devant un monsieur ou une demoiselle Freud.

Mais non : écrire c'est passer tout de suite aux choses sérieuses, l'enfer direct, le gril continu, avec parfois des joies sous les décharges de mille volts."

"Je voyais à son dos raidi que je l'agaçais. C'est étonnant, l'expression d'un dos - qu'une nuque crispée puisse vous dire je ne t'aime plus quand le visage encore n'y arrive pas."

"Les hommes français, ce n'est pas qu'ils soient plus beaux, loin de là. C'est juste qu'ils nous désirent : pour eux, une femme cède n'est pas une putain mais une reine."

"Qu'est-ce qu'ils ont tous, ces jeunes types, à vouloir devenir écrivains ? Qu'ils se contentent de devenir riches et célèbres !"

"Quelle chance d'être un homme ! Quelle pitié d'être une femme quand on n'a pas l'âme femelle. Tant d'hommes m'ont désirée sur un malentendu."

"La belle flasque allait beaucoup servir, cadeau étrange et criminel, quand j'y repense. Scott l'égarait souvent et se maudissait de l'avoir sortie de sa poche de veston puis il partait à sa recherche comme un fou. Il pouvait retourner une chambre d'hôtel ou une maison en une demi-heure. On voyait l'angoisse grandir minute après minute, mais l'angoisse de quoi au juste ? La peur d'avoir perdu un objet précieux à son coeur, ou la peur de manquer de ce que l'objet renfermait – bathtub gin, corn whiskey, ou quelque autre bourbon de contrebande ?
'Ne m'oublie pas'  : n'est-ce pas la vérité, au fond ? On boit pour se souvenir autant que pour oublier. Avers et revers d'une même médaille, pas glorieuse, qui s'appelle le malheur."

"Parfois l'excitation était si grande, elle bondissait dans mes veines, et je sentais les joues me cuire par un afflux de sang et de vie et de peur souterraine. Je valais quelque chose. Le coeur tambourinait à se rompre. La joie serait-elle douloureuse ? Quand je suis heureuse – si seulement il m'arrivait de l'être encore – ça fourmille dans mes jambes,j'avale trop d'air,j'étouffe, mes yeux se voilent, il faut se rendre et rideau ! Je tombe."
J' aurais voulu vous le dire, docteur, mais je garde un peu de moi pour moi."

"J'ai perdu bien des mots dans ma vie, à force d'abrutissement. Le mot perdu qui me manquait le plus, depuis quinze années, ce mot m'est revenu en rêve dans la nuit : Volupté."

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