Paul Ricoeur

Publié le 23 avril 2018 par Christophefaurie
Double exploit. Un Que sais-je intéressant et un philosophe qui écrit simplement. Explication : le dit philosophe est canadien, pas français.
Son sujet : Paul Ricoeur. En ces temps de célébration de mai 68. Il est à propos de parler de lui. Car il en a été un des résultats. Il était doyen de l'université de Nanterre en ces temps glorieux. Et ses étudiants l'ont coiffé d'une poubelle. Si bien qu'il est parti enseigner ailleurs. Aujourd'hui, on se demande si, à côté de Daniel Cohn Bendit, Paul Ricoeur ne serait pas un philosophe parmi les plus grands.
Paul Ricoeur s'est nourri de la pensée allemande. Mais il en a montré la faille, qui se retrouve dans l'oeuvre de Sartre : c'est une pensée de la mort, et de l'achèvement. Elle cherche une solution ultime. De ce fait elle débouche sur le nihilisme (ce qui lui a fait jeter de l'huile sur le nazisme, pourrait on ajouter). Ce faisant, elle rejoint la science. La science croit qu'il n'y a pas autre chose que ce qu'elle voit. Comme elle ne voit rien, il n'y a rien.
Paul Ricoeur est un philosophe de la vie, et le propre de la vie, c'est l'inachèvement. Car la vie est invention. Pour lui, il y a quelque-chose "au delà" de ce que l'on voit. On y a accès par l'herméneutique. C'est à dire par l'analyse du sens, non immédiat, des récits produits par la société. (Par exemple Blanche neige peut être une histoire pour enfant, ou une métaphore des saisons, et peut-être bien plus encore.) L'homme n'est ni totalement déterminé, comme le croit la science, ni un démiurge, comme le croit l'entrepreneur américain. Le progrès de la vie vient, subtilement, du mélange du volontaire et de l'involontaire. Comme le dit Spinoza, l'homme et la nature possèdent un élan vital, qui les pousse à aller de l'avant, c'est ainsi qu'il faut entendre "volonté". Mais leur chemin est parsemé d'épreuves. Ces épreuves ne sont pas les énigmes du sphinx. Elles n'ont pas de solution. Ce sont des occasions de créer ce qui n'était pas encore concevable. Ce sont ces moments de création qui font avancer l'horloge du (vrai) temps. Et c'est cette avancée, ce progrès, que racontent nos récits, et que décode l'herméneutique. C'est ainsi que l'on peut aller au delà de ce que voit la science moderne, et retrouver la pensée antérieure, la pensée du sacré, mais grâce à des outils de notre temps, scientifiques. C'est ainsi que l'on peut retrouver l'espoir, une "seconde naïveté".