Même s'il est probablement trop tôt pour se faire un avis définitif, il serait stérile de contester le constat que dresse Fabien Giuliani dans un article pour FrenchWeb selon lequel les acquisitions de startups de la FinTech par les banques françaises ne produisent pas les bénéfices attendus. Il est intéressant d'explorer les raisons de ces échecs.
Pour F. Giuliani, qui cite les exemples de Nickel, Fidor et KissKissBankBank (absorbés par BNP Paribas, BPCE et La Banque Postale, respectivement), ce sont les motivations des institutions financières qui sont responsables des déconvenues. Les objectifs de capter les talents et/ou d'étouffer une concurrence potentielle induisent une pétrification de la créativité et de l'innovation chez les jeunes pousses, qui doivent « rentrer dans le rang » plutôt que de devenir des partenaires agiles pour créer de nouvelles offres.
Je ne doute pas que ces situations existent mais je suis également convaincu que de nombreuses acquisitions sont tout de même portées par une ambition réelle et sincère d'améliorer les services de la banque. Ce sont alors de toutes autres causes qui, dans la plupart des cas, mènent celles-ci aussi, malheureusement, à des déceptions. En synthèse, il est parfaitement illusoire d'imaginer intégrer une solution exogène dans une organisation qui n'a pas d'abord procédé à sa révolution interne vers plus d'ouverture.
Le premier domaine dans lequel cette défaillance s'exprime (brutalement) est l'informatique. Dans les systèmes d'information des grands groupes, monolithiques et constitués en silos étanches, il est quasiment impossible d'assurer des échanges fluides et transparents avec des services qui n'ont pas été conçus nativement pour l'architecture en place. Or, à défaut d'une telle capacité, les produits développés par les startups sont condamnés à rester isolés, sans possibilité de profiter des moindres synergies.
En arrière-plan, il faut par ailleurs souligner l'incompatibilité entre l'approche des banques par lignes de produits – qui est justement à l'origine des silos du SI – et la démarche centrée sur le client qui fait (normalement) la force des startups. Dans ces conditions, le besoin d'intégration n'est évidemment pas interprété de la même manière par les deux parties. Leur rapprochement perd alors son sens, pour l'une (qui ne capitalise pas sur l'innovation) comme pour l'autre (dont la vision est dévoyée).
Pour réussir, les institutions financières doivent réaliser leur transformation avant de tenter une greffe et non, comme elles l'envisagent trop souvent, compter sur l'absorption d'une jeune pousse pour faciliter leur mue. A minima, deux conditions préalables sont requises : un changement de culture, afin que celle-ci soit alignée avec celle des futurs partenaires (notamment sur la « centricité client »), et une ouverture du système d'information, qui doit adopter un modèle universel d'assemblage flexible de services.
Merci à E. de Bellefroid pour l'inspiration de ce billet !