Phénomènes. Vivre dans l’intimité de la nature

Par Balndorn


Phénomènes est un bien étrange… phénomène. Comme le précédent film de M. Night Shyamalan, La Jeune fille de l’eau, la critique d’hier et d’aujourd’hui le boude. Certains vont même jusqu’à le qualifier de navet.Pourtant, Phénomènes est loin de déchoir à ce rang, au contraire (au vu des critiques, mais votre serviteur ne s’est pas encore fait un avis personnel) du Dernier Maître de l’Air et de After Earth. À l’inverse, par sa finesse d’analyse psychologique, il pourrait bien figurer parmi les meilleurs films du cinéaste.
Face à la paranoïa collective…
Ce qui froisse les puristes, c’est sans doute le caractère revendiqué par le réalisateur lui-même de série B. L’intrigue évoque en effet la programmation de TMC un lundi soir à 23h : un jour, les plantes de la côte est des États-Unis se mettent à exhaler un poison qui pousse les humains à se suicider. Comme toujours chez Shyamalan, il faut prendre la fable à la fois au sens littéral et au sens métaphorique, puisque l’acte de croire en l’histoire, comme l’a mis en abyme La Jeune fille de l’eau, constitue le fondement de sa poéthique cinéphile. Au premier degré, Phénomènes raconte une conséquence possible du réchauffement climatique : la nature, lassée d’être souillée, se retourne contre l’être humain. Au second degré, le film traite de la paranoïa qui a saisi l’Amérique : à plusieurs reprises, les réfugiés s’inquiètent de possibles « terroristes », réminiscence du 11-Septembre.Dans cette tension entre réchauffement climatique et terrorisme se niche l’intérêt de Phénomènes. L’œuvre ne confond pas les deux : elle met en scène leur confusion dans l’état d’esprit paranoïaque des années 2000.
… le salut vient de l’acceptation du monde
Est aussi remarquable l’attention que porte Shyamalan à ses personnages. Le cinéaste croit, au sens spirituel du terme, en l’individu, avant toute appartenance collective ; c’est de l’individu que proviendra le salut au cœur de la catastrophe. Toutefois, Shyamalan n’accorde que peu d’importance aux types héroïques. Et quand il le fait, comme dans Sixième sens ou Incassable, c’est pour mieux les déconstruire. Par conséquent, l’individualisme de ses personnages relève de l’intimisme, et non du vocabulaire de la conquête épique.La catastrophe qui frappe les États-Unis est indissociable des problèmes conjugaux que rencontrent Elliot (Mark Wahlberg) et Alma (Zooey Deschanel). Les deux événements sont inextricablement liés, et pas seulement par la conjoncture : la réparation de l’un nécessite la réparation de l’autre. Aussi, c’est du point de vue d’un couple en crise que l’on découvre la catastrophe. Leur appréhension douce-amère du monde se projette sur la matière cinématographique, d’où une photographie terne et une musique en mode mineur.On peut y voir une subtile critique du modèle moral américain. Le salut ne viendra pas de l’affrontement, impossible face à un ennemi invisible et évanescent, mais de l’acceptation. Shyamalan, nourri de religiosités diverses, invite à la réunion des êtres plutôt qu’à leur mise en concurrence. Cela pourrait sembler naïf – et effectivement, ça l’est toujours – mais ce serait manquer le message écolo du film : arrêter de combattre la nature, comme y exhortent quantité de blockbusters, et accepter de vivre avec elle. Résoudre ses problèmes avec elle comme un couple résout les siens. 
Phénomènes, M. Night Shyamalan, 1h31
Maxime
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