C'est être dans le monde qui fait écrire Mireille Fargier-Caruso. Un monde, « mais est-ce vraiment le mien ? », chantait Allain Leprest. Elle citait déjà Eugenio de Andrade en 2006 : « Les raisons du monde / ne sont pas exactement les tiennes », et Gilles Deleuze : « croire au monde, c’est ce qui nous manque le plus ». Elle inscrit son écriture dans la fréquentation des textes des autres.
Et en citant ces textes qu’elle met en exergue à plusieurs de ses recueils, je m’aperçois qu’y sont écrits « le mien », « les tiennes » et « nous ». C’est en effet à moi, à toi et à nous que s’adresse Mireille Fargier-Caruso. Souvent on entend, dans ses poèmes le « tu » à qui elle s’adresse, singulière deuxième personne qui est parfois elle-même, parfois une ou un autre. Mais c’est aussi le tu, ce qui n’est pas dit, non parce qu’il serait secret mais parce que nous ne prenons pas le temps de voir, de sentir et, ensuite, de dire. « Tu entends ce qui se tait au fond de toi ».
« Pour vivre
L’écart est nécessaire »
Et cela passe par l’enfance, sa propre enfance, « Des heures accroupie à regarder / Le trajet patient des fourmis / Sur le mur du jardin », celle des autres. Elle sait les mots de la naissance : « déjà s’échappe / une liberté neuve ». Car c’est de vie qu’il s’agit dans les mots de Mireille Fargier-Caruso, même si la mort n’est jamais loin, et que soudain elle nous apprend « jusqu’où peut aller le réel ». Et pas seulement la mort, l’injustice, la misère : « Pour cet homme fils de personne qui dort sur le trottoir dans un carton / le jour de gloire n’est pas près d’arriver ».
« et puis la narration
toujours complice
qui cisèle une ligne blanche blanche
à écrire encore
pour horizon »