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David Bosc, invité de Tulalu!?, au cinéma Bellevaux, à Lausanne

Publié le 17 avril 2018 par Francisrichard @francisrichard
David Bosc et Pierre Fankhauser

David Bosc et Pierre Fankhauser

Hier soir, l'association littéraire Tulalu!? recevait David Bosc, au Bellevaux, à Lausanne. Il était mis sur le gril indolore de Pierre Fankhauser, son animateur charismatique.

L'invité d'hier soir est un invité qui cumule, puisqu'il est à la fois écrivain et éditeur: depuis quinze vingt ans, il travaille aux éditions Noir sur Blanc qui publient beaucoup de traductions de livres de l'Europe de l'Est.

Il passe donc toute la journée avec la phrase, devant un écran et un clavier, et, le soir, il retrouve la phrase quand il écrit à son tour, à petites doses, des paragraphes de six à quinze lignes, qu'il mûrit, se fiant à son oreille pour les parfaire.

Dans la journée, il corrige des textes, à la recherche du mot juste, et ses outils sont des dictionnaires. Mais il n'a pas de contact avec les choses, avec le faire. Or ce qui l'intéresse ce sont les petites choses et les faire, auxquels il veut donner de l'importance et qu'il ne se lasse pas de voir...

Il n'est pas surprenant dans ces conditions qu'il s'intéresse aux artistes qui sont en rupture avec ce que leurs prédécesseurs ont fait pendant des siècles, et qui magnifient les êtres et les choses les plus simples, que les hommes peuvent côtoyer tous les jours.

Miguel Moura

Miguel Moura

Dans sa présentation introductive, Miguel Moura rappelle ces grands traits de l'auteur, avec beaucoup de sensibilité, tandis que défilent derrière lui des photos de l'invité, de montagnes enneigées, d'un jury qui lui a décerné un prix, d'un tableau de Gustave Courbet pour lequel il éprouve une grande dilection.

Dans la façon de parler de David Bosc, l'auditeur retrouve l'emploi qu'il fait du mot juste à l'écrit. Il n'est pas étonnant qu'en littérature, il préfère aux livres dont les intrigues sont bien ficelées ceux qui le comblent d'images, de langages, de mouvements de l'âme. Des livres, en quelque sorte, semblables aux siens.

Dans ses écrits, plus particulièrement dans son dernier livre de nouvelles, Relever les déluges, il sait très bien faire parler les gens avec les mots de leur époque, désignant des choses aujourd'hui disparues, mais, dans le même temps, il les fait voir au lecteur avec les yeux d'aujourd'hui.

Si David Bosc aime l'alexandrin et son rythme, il le traque et l'empêche de surgir sous sa plume, si bien que le mot de rupture correspond à ce que l'auditeur comprend de son art d'écrire, guidé en cela par ses réflexions sur le langage, bien sûr, mais aussi par le ton qui est le sien.

Daniel Perrin et Franck Semelet

Daniel Perrin et Franck Semelet

Un autre mot apparaît très naturellement dans ce qu'il écrit et dans ce qu'il dit: le mot de liberté. Il l'associe aussi bien au mot de solitude qu'à celui de communauté et si, pour lui, l'une comme l'autre peuvent être atroces à vivre, il aime le va-et-vient de l'une à l'autre et inversement.

Il cite Gilles Deleuze pour qui aimer quelqu'un c'est l'arracher à une communauté. N'est-ce pas en quelque sorte trahir celle-ci? Mais le traître n'est-il pas le héros comme le dit le philosophe? David Bosc pourrait faire sien le développement qu'il en fait: Traître au monde des significations dominantes et de l'ordre établi...

David Bosc cite aussi l'adage italien: traduttore, traditore, traducteur, traître. Il est justement traducteur, de deux livres de Jonathan Swift, un que ce dernier aurait aimé publier de son vivant - un fort volume de correspondance de quelque 600 pages - et un autre, singulier, le Journal de Holyhead; d'un livre du poète italien Dino Campana, incompris par les Français, parce qu'ils voient en lui, à tort, un pâle imitateur de Rimbaud...

En tout cas, plusieurs des personnages de Relever les déluges n'aiment pas l'ordre établi, sont même des anars: exilés en France à la fin de la Guerre d'Espagne ou prenant d'assaut il y a quelques années, un navire dans le port de Marseille et y faisant flotter le drapeau noir des pirates...

Chez David Bosc être traître au monde des significations dominantes, ce serait au fond, peut-être, refuser, comme il le dit, d'être actionné par le langage, ce serait, au contraire, actionner le langage: l'auditeur retrouve là encore la rupture qui lui est chère...

Si l'expression: tu ne perds rien pour attendresignifie une menace dans le langage dominant, David Bosc en renverse le sens, car, pour lui, l'attente fut un jour heureuse, au point que, dans ce sens-là, il voulait donner, à une histoire amoureuse autobiographique, ce titre pourri (selon son éditeur): rien perdu pour attendre...

Jean-Baptiste Corot, lui, disait: Il ne faut pas chercher; il faut attendre...

Franck Semelet, accompagné par Daniel Perrin au bandonéon, lit des extraits de Relever les déluges. En les écoutant, mis en valeur ainsi par sa voix et par l'instrument emblématique du tango argentin, l'auditeur ne peut que se rendre compte de l'érudition de l'auteur, qui a toujours le mot pour bien dire ce qu'il veut donner à voir et à entendre.

Le mot de la fin de la soirée est laissé à Courbet qui, au mur de son atelier à Paris, avait affiché une liste de règles, reproduite par David Bosc dans La claire fontaine et lues par Pierre Fankhauser:

1. Ne fais pas ce que je fais

2. Ne fais pas ce que les autres font

3. Si tu faisais ce que faisait Raphaël tu n'aurais pas d'existence propre. Suicide.

4. Fais ce que tu vois et ce que tu ressens, fais ce que tu veux

Francis Richard

Derniers livres de David Bosc parus chez Verdier:

Mourir et puis sauter sur son cheval (2016)

Relever les déluges (2017)


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