Finitude de l'homme présidentiel
Par Juliette Keating
https://blogs.mediapart.fr/juliette-keating/blog/160418/finitude-de-lhomme-presidentiel
Inquiétant,
sombre personnage qui, à l'aube de ses quarante ans dans un pays qui vieillit,
montre le visage non pas de la jeunesse mais celui de la mort. L'impression en
le voyant, et tenant pour une fois à l'écouter jusqu'au bout, d'un être sans
chair, machine lisse qui ne trouve qu'en elle-même les raisons et mécanismes de
son fonctionnement, et qui ne comprend rien à ce qui se joue ici et maintenant.
Son agressivité à peine contenue est sans humanité. Dans ses mots policés qui
voudraient rappeler le droit, on entend les semelles cloutées des préfets et
des flics piétinant chaque jour la loi pour mieux écraser les contestataires,
celles et ceux qui veulent vivre autrement. Ainsi nous devrions nous plier à
l'ordre dominant, céder à l'autoritarisme d'un individu hissé à la présidence
par l'effet de la crédulité de certains, de la peur compréhensible du FN, et
surtout par l'activisme d'une poignée d'amis opulents et hauts placés qui ont
le pouvoir de faire ou défaire une élection prétendument démocratique. La vision
de crs casqués, armes à la main, pénétrant en masse dans un amphi d'université
pour cogner les étudiants, est une image qui ne le choque en rien, éternel
fayot de la reproduction sociale, petit soldat du creusement des inégalités au
profit d'une frange infime de la population, ces plus riches qui, dit-il,
n'auraient même pas besoin de lui. La détresse des migrants ne le touche pas,
les enfants emprisonnés en centre de rétention ne sont qu'une question
d'efficacité de leur déportation, et l'on entend dans sa voix de sinistres
échos quand il évoque l'islamisme par le mauvais bout du voile, qu'il accuse
les Français.es solidaires des migrants de se faire les complices des
passeurs ou qu'il répète mille fois le mot république comme on invoque une déesse
païenne, du type qui dévore ses adulateurs. Il ne voit pas, il n'entend pas, il
ne dit rien non plus, incarnant à lui tout seul les trois singes qui ne
seraient pas ceux de la sagesse mais de l'indifférence assassine. Défenseur
autoproclamé sévère mais juste des humains légaux, des écoliers sages et des
petits propriétaires qui payent leurs impôts, il ne convainc personne. Il ne
comprend pas que, sous le maquillage bonne mine, il suinte le mensonge et la
mauvaise foi par tous les pores de sa peau et que c'est cela que le public,
déjà lassé de sa ganache qu'il impose au quotidien, retient de chacun de ses
cabotinages. Il ne sait pas que tout ce qu'il représente, cet ancien monde fait
d'agriculture intensive, de nucléaire, de bétonnage, de missiles, de surproduction,
de compétition exacerbée, de mise en concurrence de chacun avec tous, de
profits à verser aux actionnaires contre les travailleurs, de gloire aux
millionnaires etmalheur aux vaincus, nous n'en voulons pas. Que nous haïssons l'oligarchie qu'il
représente. Que son temps est fini.
Juliette Keating
16 avril 2018
https://blogs.mediapart.fr/juliette-keating/blog/160418/finitude-de-lhomme-presidentiel
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