À la suite de mon billet sur l'endettement public et privé, un lecteur averti m'a fait remarquer que parmi les moyens de faire baisser le rapport dette publique sur PIB, je n'avais pas cité l'inflation. C'était à dessein, car je pense que cette dernière ne peut pas réapparaître à court terme au vu des conditions économiques actuelles et qu'en plus son retour serait certainement marqué par une hausse des taux d'intérêt nominaux défavorable aux agents endettés comme l'État.
L'évolution de l'inflation dans la zone euro
L'évolution du taux d'inflation de la zone euro montre que les politiques non conventionnelles menées par la BCE auront au moins permis d'éloigner temporairement le risque de déflation, sans toutefois donner de résultats notables au regard des moyens utilisés (quantitative easing, principal taux directeur à zéro...) :
[ Source : Eurostat ]
Fin janvier 2018, Eurostat estimait le taux d'inflation annuel de la zone euro à 1,3 %, bien loin de l'objectif de 2 % à moyen terme :
[ Source : Eurostat ]
L'évolution de l'inflation en France
Selon les estimations provisoires de l'INSEE, sur un an, les prix à la consommation auraient augmenté de 1,4 % en janvier 2018, tiré essentiellement par l'énergie :
Évolution de l'IPC (France hors Mayotte)
[ Source : INSEE ]
Le problème est que tous les autres produits du panier de la ménagère augmentent peu voire pas du tout pour certains, ce qui n'est pas le signe d'une économie en bonne santé...
Pourquoi l'inflation ne revient-elle pas ?
Vous aurez donc compris que malgré les moyens historiques mis en œuvre pour retrouver de l'inflation et éloigner le risque déflationniste, on est encore loin du compte ! Pourtant, avec un taux de chômage en décrue dans presque tous les pays et même très bas aux États-Unis, on s'attend à voir une hausse des salaires, qui conduirait à une augmentation de l'inflation sous-jacente, ce que les économistes appellent la courbe de Phillips.
Or, il n'en est rien (ou si peu...), probablement parce que d'une part la flexibilisation du travail a fait perdre aux salariés leur pouvoir de négociation salarial, et d'autre part parce que les créations d'emplois se font dans des secteurs peu qualifiés, peu productifs et mal rémunérés. De plus, la concurrence exercée par les pays à bas coûts de production sur les entreprises conduit à limiter les hausses de prix, quitte à rogner sur les marges, et bien sûr à modérer les hausses de salaires sous la menace d'une délocalisation. Quant à la numérisation de l'économie, elle a pour conséquence une baisse des prix dans les services, très mal prise en compte par l'indice des prix à la consommation (quel est le prix d'un nouveau service sur Internet ?), ce qui réduit le taux d'inflation.
En fait, l'inflation n'est actuellement tirée que par les prix de l'énergie et le tabac pour le dire simplement :
[ Source : Natixis ]
Et curieusement, malgré les arguments que nous venons de voir, les marchés anticipent une hausse de l'inflation tant aux États-Unis que dans la zone euro :
[ Source : Natixis ]
Résumons-nous. En l'état actuel de l'économie, le retour d'une inflation forte ne pourrait résulter que de la hausse des prix du pétrole, mais dans ce cas, en fait de réduire le taux d'endettement public c'est surtout le budget des ménages que l'on ampute, ce d'autant plus que les taux d'intérêt nominaux devraient conséqumment augmenter...