Marc Chagall est mort depuis 33 ans, à presque 100 ans (97).
Mais il est curieusement dans l'actualité beaucoup cette semaine.
Entre 1939 et 1940, Moïche Zakharovitch Chagalov, rebaptisé Marc Chagall, peint à Paris. Quand la guerre menace la France et que les Nazis occupent peu à peu le pays, Marc, Russe d'origine et extrêmement juif, refuse d'abord de quitter les lieux. Mais comme sa sécurité devient directement compromise, avec l'aide du directeur du Musée des Beaux-Arts, et d'un ami journaliste Étatsunien, il fuit avec sa femme, sa fille et sa famille se réfugier à New York, en Amérique.
C'est durant cette trouble période que les thèmes religieux envahissent ses oeuvres. Montrant souvent Jésus en martyr, ce que les Juifs sont absolument, alors, au même moment, en Europe. Certaines des ses oeuvres, montrent, au contraire, des fantasmes, comme un endroit où les problèmes n'existent pas, où musique et animal hybride fusionnent et où le temps semble être sans importance pour un couple enlacé. Comme le souvenir d'une époque révolue pour Chagall et sa femme l'écrivaine Bella Rosenberg, son épouse depuis 1916.
À son arrivée à New York, le travail de Chagall perd de sa candeur et de sa naïveté. Se dégage de ses toiles une aura de tourments. Il se sent sans valeur, loin des Juifs d'Europe, aimé et privilégié, alors que ses frères se font tuer pour rien là-bas. Contrairement à la France, autre pays d'exil (il arrivait alors de St-Petersbourg), pays où il se sentait fort à l'aise, il ne sera jamais complètement confortable à New York. Il ne comprend pas l'Amérique entièrement. Il est Russe, mais a aussi été naturalisé Français en 1937. Et se sent dépaysé. Déconnecté. Il jouit d'une certaine célébrité, mais dans une langue qu'il ne comprend pas. Et avec des moeurs qui ne sont pas du tout les siennes. Certaines de ses toiles démontrent l'aliénation qu'il vit jusqu'en 1943. Voilà un artiste troublé qui exprime son trouble par son art. Peintre d'aucune école, il secouera toujours un peu l'art traditionnel.
Il se lie alors d'amitié avec d'autres réfugiés, Piet Mondrian ou André Breton, avec lesquels il fréquente les musées dans le Lower East Side qui contient une large population (encore aujourd'hui) de Juifs. Là, il s'y sent chez lui. Les musées et le public adorent alors les oeuvres de Marc Chagall, mais étrangement, lui-même n'aime pas ce qu'il fait. Parce qu'inspiré de trop d'angoisses. Pierre Matisse, fils d'Henri Matisse, devient son représentant.
Il est présenté au chorégraphe Léonid Massine du New York Ballet Theatre, qui le commissionne du design des décors et des costumes de son ballet: Aleko. Le ballet met en musique les mots de Poutchkine sur des airs de Tchaïkovsky. Chagall y trouve encore ses repères. Ce sera un grand succès au Metropolitan Opera.
Mais son épouse, Bella, décède soudainement, à 48 ans, d'une infection virale. Chagall en sera anéanti. Sa muse n'est plus. Ses oeuvres évoquent le deuil. Mais il refait sa vie, non sans une certaine controverse sur la rapidité de la chose, avec Virginia Haggard McNeil. Celle-ci le fera explorer les thèmes de la joie et de l'amour. Ils auront un fils.
À la fin de la guerre, le Museum of Modern Art lui consacre une large retrospective et lui rend un touchant hommage.
À partir de ce moment, Chagall explore les lithographies, les sculptures, le verrerie, les tapisseries et même les costumes. Chagall aura été un peintre immense mettant toujours au défi ce qui devrait être souligné en peinture.
Marc Chagall est revenu dans l'actualité deux fois cette semaine. Une fois ici, et une autre fois, aux États-Unis. Dans des parfums de scandale et de crime.
Le Musée des Beaux-Arts du Canada veut vendre un tableau de Chagall (entre 8 et 10 millions) afin de mettre la main sur un tableau de Jacques-Louis David, d'une aussi grande valeur. Mais le Musée des Beaux-Arts de Montréal et le Musée de la Civilisation de Québec voudrait plutôt que la toile reste au Québec, et non qu'elle soit vendue aux enchères au plus offrant, chez Christie's. Ça fait controverse.
Puis, volée il y a plus de 30 ans à New York, on a retrouvé, dans une boîte de grenier du Maryland, une de ses oeuvres de 1911. Le voleur était un ouvrier qui avait volé la toile dans une résidence privée en 1988, et avait confié la toile à quelqu'un qui croyait pouvoir la vendre à fort prix. Ce qui ne se fît jamais. Le Chagall est resté caché dans un grenier dans une boîte faussement identifiée "School stuff". En tentant une dernière fois de vendre la toile à un galeriste de Washington l'an dernier, celui-ci a prévenu la police qui a retrouvé le butin.
Le receleur ne sera pas poursuivi, le voleur est déjà en prison pour d'autre crimes du même genre.
Il y restera peut-être plus longtemps.