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Je t’enverrai des fleurs de Damas

Publié le 13 avril 2018 par Adtraviata

Je t’enverrai des fleurs de Damas

Présentation de l’éditeur :

S’expatrier et aller se battre pour une cause que l’on croit juste‚ donner sa vie pour la démocratie et la liberté‚ c’est bien. Sauf si l’on a quinze ans et qu’on s’est fait « tourner la tête » par des extrémistes qui‚ au nom de Dieu‚ envoient des jeunes à la mort.
La guerre civile en Syrie a causé des dizaines de milliers de victimes et la communauté internationale n’en fait pas une priorité absolue. Pendant ce temps–là‚ des innocents meurent et‚ parmi ceux–ci‚ des adolescents venus de France et d’ailleurs.
Ce roman à plusieurs voix raconte l’émoi soulevé par le départ de deux élèves sans histoire : la Syrie devient leur enfer‚ mais‚ pour ceux qui restent‚ c’est l’enfer aussi.

La maison Mijade, basée à Namur, fête ses 25 ans cette année et j’ai choisi ce roman de Frank Andriat (dont j’ai déjà lu il y a quelques années Aurore barbare) pour ce rendez-vous Jeunesse.

Je t’enverrai des fleurs de Damas, c’est la promesse que fait Wassim à son amie Myriam, des fleurs rouges, couleur de l’amour et du martyre et des fleurs blanches, symbole de pureté. Wassim et Othmane ont quinze ans, ils ne sont pas rentrés au collège après les vacances de Pâques : ils sont partis en Syrie, pour s’engager aux côtés des rebelles qui tentent de renverser le régime de Bachar al-Assad. Leur départ plonge leurs compagnons, leurs professeurs et même leur directeur dans un immense désarroi. Difficile de rester concentré quand on s’attend sans cesse à ce qu’on vienne vous annoncer la mort violente d’un copain de classe dans ce conflit. Difficile de garder le cap sur ses valeurs de prof d’histoire ou de français quand des choix radicaux vous pètent à la figure. Comme Othmane et Wassim téléphonent de temps en temps à leurs amis,on comprend vite que leur idéalisme de départ s’est fortement teinté d’islamisme radical et qu’ils ont évidemment été manipulés en France même.

Dans ce roman polyphonique – le journal « ultra » de Youssef, les lettres qu’écrit Myriam, amie de Wassim, à son prof de français, les réactions d’un élève anonymes et les réflexions du prof de français -, Frank Andriat montre comment un jeune peut se radicaliser à la vitesse grand V, victime de manipulateurs qui ont grand soin de rester dans l’ombre et comment les départs en Syrie plongent les familles et l’entourage des jeunes dans la souffrance et l’incompréhension. L’auteur met aussi en scène des adultes solides, tous du monde scolaire, des bouées de sauvetage pour ces jeunes en perdition.

J’ai trouvé un peu curieux que Frank Andriat, auteur belge, place cette histoire en France (sans autre précision géographique) alors qu’en Belgique, il y a proportionnellement de nombreux cas de jeunes partis en Syrie : pour assurer un rayonnement plus large au roman ? pour ne pas stigmatiser un peu plus certaines communes belges pointées du doigt pour avoir laissé courir naïvement la radicalisation islamiste ? D’autre part, le côté très pédagogique du roman (l’auteur est prof, on ne se refait pas) est à la fois une qualité et un défaut (à mes yeux) : pour les jeunes lecteurs, c’est évidemment l’occasion de se questionner sur ses valeurs, de comprendre les mécanismes de la manipulation et de la radicalisation, de prendre distance ; moi adulte, j’ai trouvé la démonstration un peu trop parfaite pour que je sois emportée par le roman (j’en prends pour exemple la division un peu manichéenne des adultes). Mais, je le répète, je lui reconnais son pouvoir de sensibilisation.

« Cher Professeur, votre monde d’adultes semble si compliqué et, plus je grandis, plus j’ai le sentiment que le mien le devient. Il y a quelques années encore, je n’avais aucune de ces préoccupations et l’important était de faire plaisir à mes parents et de m’amuser. Wassim, le petit gars qui me courait derrière dans la cour, est devenu un homme et il porte peut-être une mitraillette en bandoulière. »

« C’est étrange : dans chaque groupe, certains élèves demeurent des ombres dont le prof ne sait rien du début à la fin de l’année alors que d’autres, comme Myriam, brillent dès le premier jour. Un mystère qui me frappe depuis longtemps. Seront-ils aussi transparents dans la vie qu’ils le sont à l’école ? Et que deviendront des filles lumière comme Myriam, Lorena ou Samia une fois qu’elles entreront dans l’existence adulte ? Auront-elles toujours ce punch qui les distingue des autres ? »

Frank ANDRIAT, Je t’enverrai des fleurs de Damas, Mijade, 2014

Mijade vous offrira aussi à la fin de ce Mois belge un album délicieux et plein d’humour : Comment être aimé quand on est un Grand méchant Loup ?

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