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Que serait le printemps sans chuchotements, piaillements, gazouillements, et autres sifflements? Dans les années à venir, la nature risque de renaître chaque saison sans le chant des oiseaux. C’est le résultat de deux études distinctes, l’une menée par le Muséum national d'histoire naturelle (MNHN) et l’autre par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Dans un communiqué commun publié le 20 mars 2018, les deux institutions dressent le même constat: les oiseaux des campagnes françaises se portent très mal. Leurs populations se sont réduites d’un tiers en 15 ans.
L’annonce a fait l’effet d’une petite tempête dans le milieu scientifique. "L’objectif était de créer un petit électrochoc pour favoriser une prise de conscience. En quelque sorte, nous nous sommes mis dans un rôle de lanceur d’alerte", indique Frédéric Jiguet professeur au MNHN, qui a participé à l’élaboration des résultats.
L’étude du MNHN s’appuie sur le travail d’environ un millier d’ornithologues professionnels et amateurs. Dans le cadre du programme STOC (suivi temporel des oiseaux communs), ces derniers identifient et comptent les oiseaux sur l’ensemble du territoire français. Les relevés effectués depuis 1990 produisent des indicateurs annuels sur l’abondance des espèces dans différents habitats (forêt, ville, campagne).
L’étude du CNRS est menée en parallèle dans une "zone atelier" de 10 hectares suivie depuis 1995 dans les Deux-Sèvres. Elle mobilise une dizaine de scientifiques. A l’échelon local en milieu agricole, le constat du CNRS est aussi sans appel. "En discutant avec les chercheurs du CNRS, nous nous sommes aperçus que nous arrivions aux mêmes conclusions récentes. La biodiversité agricole continue à se détériorer de manière alarmante", déplore Frédéric Jiguet, également coordinateur national du programme STOC.
Selon le communiqué, la diminution des populations d’oiseaux vivant en milieu agricole atteint "un niveau proche de la catastrophe écologique". Les chiffres montrent que les pertes se sont intensifiées depuis deux ans. Certaines espèces sont même décimées. C’est le cas des perdrix qui ont perdu 80% de leur population.
Le déclin observé est attribué à l’intensification des pratiques agricoles depuis 10 ans et notamment au recours de plus en plus important aux produits phytosanitaires. "A l’occasion du Grenelle de l’environnement en 2007, un certain nombre de mesures avaient été annoncées pour l’horizon 2018, notamment la réduction de 50% de l’utilisation de pesticides. D’après une analyse menée par des agronomes, le recours aux pesticides a augmenté de 17% entre 2009 et 2015. On est très loin de l’objectif initial", regrette Frédéric Jiguet.
Les chercheurs établissent également un lien avec l’effondrement des insectes. "Les oiseaux - à l’exception des tourterelles et des pigeons - nourrissent tous leurs poussins au nid avec des insectes et des chenilles. La baisse des insectes a donc un impact direct sur les populations d’oiseaux", ajoute Frédéric Jiguet.
Toutefois un motif d’espoir réside. Selon les auteurs, "la situation n’est pas encore irréversible". Pour infléchir la tendance, les scientifiques encouragent les acteurs du monde agricole à changer leurs pratiques. Dans le viseur notamment, les produits phytosanitaires comme le glyphosate (un herbicide controversé) ou les néonicotinoïdes (des insecticides neurotoxiques très persistants). "Il faut interdire toutes ces molécules très dangereuses et dévastatrices", soutient Frédéric Jiguet. Mais ces mesures ne constituent qu’une première étape.
"C’est l’organisation globale du modèle de production agricole qu’il faut repenser si l’on veut préserver une vie sauvage dans nos campagnes", poursuit le professeur au MNHN. Plusieurs chercheurs mènent ainsi des réflexions avec les acteurs de l’environnement. Ils tiennent compte des problématiques des uns et des autres dans le contexte actuel difficile pour le milieu agricole.
"C’est aussi un vrai travail à engager avec l’ensemble de la société. La biodiversité continue à décliner chaque année, c’est pourquoi il ne faut plus attendre", conclut Frédéric Jiguet. Autant d’efforts à fournir dès maintenant pour que le retour du printemps rime toujours à l’avenir avec celui du chant des oiseaux.
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