Bien que la découverte de l’ADN constitue une des plus grandes réalisations du siècle dernier, source de nombreux bénéfices pour l’humanité, l’utilisation des données génétiques à des fins médicales soulève des questions éthiques et mérite une attention particulière. Les données génétiques, considérées comme des données sensibles au sens de la CNIL, et en tant que données toujours « à risque » selon la loi Informatique et Libertés, font l’objet d’une protection particulière par le RGPD, qui, en son article 9, détermine strictement les modalités de traitement des données de santé.
Parmi les diverses possibilités qu’offre l’analyse de l’ADN, telles que la recherche d’origines ethniques ou de la famille biologique, se trouve « le dépistage génétique des maladies ». En effet, des tests ADN sont accessibles aux individus par un simple clic. Le kit de l’analyse peut être commandé en ligne dans le but d’effectuer un dépistage génétique des maladies telles que le cancer du sein, la prostate, mélanome, maladies cardiovasculaires etc.
Ce nouveau mode de commercialisation des tests ADN est en plein essor dans de nombreux pays, et démontre que cette pratique s’est progressivement soustraite au contrôle de l’Etat pour tomber dans le domaine privé. Les entreprises proposant ce type de service à des tarifs de plus en plus compétitifs se sont multipliées surtout aux États-Unis malgré tous les dangers que cela présente pour les droits et les libertés des individus. Au nom du « droit de savoir », ou de la liberté individuelle de connaître son génome, plusieurs sociétés américaines proposent le séquençage génétique mais sans aucun encadrement et sans autorisation officielle.
La prévention médicale réalisée par voie électronique, constituant actuellement une réalité, doit se conformer aux exigences légales en vigueur au niveau national et européen en parallèle, en raison de son caractère particulièrement sensible.
- Les bases des données génétiques : mine d’or pour les entreprises
Force est de constater que lors de la réalisation d’un test génétique, les risques sur la confidentialité des données demeurent un enjeu majeur mettant en péril la vie privée des personnes concernées. Les données concernant l’ADN représentent une valeur inestimable pour certaines entreprises, le risque de vol des données génétiques est toujours présent, et rend possible une traçabilité accrue des individus.
À cet égard, la collecte des données génétiques est susceptible d’entrainer des risques réels de relâchement du principe de finalité du traitement, en ouvrant la porte à des utilisations bien différentes de la prévention ou du dépistage d’une maladie. Le principe posé par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 Informatique et Libertés (article 6 paragraphe 2) et réaffirmé par le RGPD en son article 5 paragraphe 1, sous b), dispose que les données personnelles doivent être : « collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne sont pas traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités. ». Ce risque de détournement de finalité est susceptible de conduire à de graves discriminations à l’embauche ou en matière d’assurance. Un futur employeur pourrait rejeter un candidat aux données génétiques incertaines.
En outre, l’article 4 du RGPD définit le profilage comme « toute forme de traitement automatisé de données à caractère personnel consistant à utiliser ces données à caractère personnel pour évaluer certains aspects personnels relatifs à une personne physique, notamment pour analyser ou prédire des éléments concernant le rendement au travail, la situation économique, la santé, les préférences personnelles, les intérêts, la fiabilité, le comportement, la localisation ou les déplacements de cette personne physique». L’ADN peut donner lieu à du profilage, mais uniquement si les conditions du RGPD sont réunies (article 22). Il est également précisé que le profilage ne devrait pas entraîner de discrimination ou se baser uniquement sur des données sensibles telles que les données génétiques ou biométriques.
- Tests génétiques : au cœur des débats des Etats Généraux en vue de la révision de la loi bioéthique
Selon l’obligation imposée par la loi bioéthique 2011, la France doit réviser sa législation en matière de bioéthique tous les sept ans. À cet égard, le 28 janvier, la Comité consultatif national de l’éthique (CCNE) a lancé un débat public, sous la forme d’Etats Généraux, sur le thème « Quel monde voulons-nous pour demain ? ». Ces Etats Généraux trouvent dans chaque région une déclinaison avec le relais des « espaces de réflexion éthique » qui organisent des débats, des rencontres, des conférences sur certains thèmes en matière de bioéthique, afin que tout citoyen puisse exprimer un avis. Parmi les principaux sujets débattus, se trouve la question sur les tests génétiques tels que les tests pré-conceptionnels, l’élargissement ou pas du nombre des maladies génétiques dépistées à la naissance etc.
Actuellement, la réalisation des tests ADN est encadrée strictement par la loi, à l’exception de ceux réalisés dans un contexte judiciaire, scientifique ou médical. À cet égard, le code de la santé publique dispose en son article L. 145-15 que « L’examen des caractéristiques génétiques d’une personne ou son identification par empreintes génétiques, lorsqu’elle n’est pas réalisée dans le cadre d’une procédure judiciaire, ne peut être entrepris qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique et qu’après avoir recueilli son consentement. ». L’article 16-10 du Code civil prévoit également que « L’examen des caractéristiques génétiques d’une personne ne peut être entrepris qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique. » Finalement, la loi relative à la bioéthique du 7 juillet 2011 a inséré l’article L. 145-15-1 dans le Code de la santé publique prévoyant ainsi qu’un « décret en Conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles pourront être réalisées dans l’intérêt des patients la prescription et la réalisation de l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne à des fins médicales. »
Néanmoins, malgré un encadrement juridique strict, les Français sont toujours capables d’avoir accès à un test ADN sur Internet, tout en s’exposant à une amende de 3750 euros, selon l’article 226-28-1 du code pénal, inséré par la loi relative à la bioéthique. Il est vrai que malgré les risques de dérives, un certain nombre de personnes choisissent de se remettre à un tel examen médical en négligeant tout danger au regard de la sécurité de leurs données. Pour eux, la santé prime toujours sur la protection de la vie privée.
Le gouvernement présentera à l’automne un projet de révision des lois de bioéthique, et sera obligé de trouver un juste équilibre entre la protection de la santé et la sécurité des données génétiques.
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