Lou, the Belgian Red Devil

Publié le 10 avril 2018 par Réverbères
Personne, aujourd’hui, ne sait la suite de l’histoire. Elle n’a d’ailleurs sans doute aucune importance. Du moins sur l’épisode proprement dit. Un bête poisson d’avril. Mais qui prend dès maintenant une autre dimension. Au service de la différence.
Or donc, ce 1er avril 2018, Luc Boland – un ami poète d’enfance – lance sur Facebook un bête poisson d’avril : son fils Lou a été choisi par l’Union belge de football pour composer l’hymne officiel des Diables rouges pour le Mondial 2018 en Russie. À ce stade de l’histoire, deux explications sont nécessaires.
Lou. Il a aujourd’hui 19 ans. Quelques temps après sa naissance, ses parents apprennent qu’il est porteur du syndrome de Morsier, une malformation congénitale du cerveau qui touche un enfant sur dix millions dans les cas sévères. Déficience mentale et cécité. Mais dans ces ténèbres, une étoile : Lou est doté de capacités musicales hors normes. Son papa poète est aussi cinéaste. Très tôt, il réalise « Lettre à Lou », un documentaire qui parle avec tant d’amour de son fils et qui se termine sur la découverte par Lou de son premier synthé. Émouvant. À cet instant, Luc ne sait pas encore que Lou apprendra tout seul à jouer des claviers (et autres instruments), qu’il chantera sur divers plateaux TV, qu’il séduira sur YouTube près d’1 500 000 personnes avec « Lou, je m’appelle Lou »… Histoire humaine et musicale peu banale !
De l’autre côté, les Diables rouges. Une génération de footballeurs hors normes également. Ils participeront au Mondial 2018 en Russie avec comme seule ambition (enfin, on l'espère !) : la victoire finale ! Tout le monde s’accorde sur le fait que cela fait partie des choses possibles. Ils ne sont pas favoris. Mais tout pourrait arriver. Il faut bien un hymne national pour les encourager (et faire rentrer des sous dans la caisse). L’Union royale belge des sociétés de football association (URBSFA) croyait avoir trouvé le chanteur idéal pour ce faire : Damso, un rappeur à succès, issu de la diversité. Malheureusement pour lui, Damso est aussi – dans son personnage public – légèrement misogyne. Par les temps qui courent, ça passe difficilement. Il a donc été – avec raison – déchargé de sa mission. À ce jour, personne pour prendre la relève.
Le premier avril, Luc lance donc son poisson d’avril : Lou a été choisi pour faire l’hymne des Diables ! Il n’y croit pas, mais finalement, pourquoi pas ? Plus d’une personne y a cru ! Mais ce n’est qu’un poisson ! Quand Luc raconte cela à Lou, celui-ci lui répond : « Mais je vais le faire, moi, cet hymne » ! La machine se met en marche : Luc écrit des paroles (en anglais, seul moyen de réunir flamands et francophones) basées bien sûr sur le respect de la différence. Lou les met instantanément en musique. Ils enregistrent le tout, en une prise pour chaque instrument, mais en plusieurs prises pour les voix. Chanter en anglais, ce n’est pas évident pour Lou ! Luc réalise le clip et le met en ligne. En moins de 24 heures, plus de 25 000 vues sur Facebook ! Ce n’est plus un poisson d’avril !

Ce poisson d’avril deviendra-t-il l’hymne officiel des Diables rouges ? Nul ne le sait. C’est peu probable. Mais la question n’est sans doute pas là. Une nouvelle fois, Lou fait le buzz, non pas pour sa gloire dont il n’a que faire, mais au service de tous ceux qui sont différents ! Quelle que soit leur différence.
Les parents de Lou ont bien sûr longuement réfléchi à la pertinence ou non de mettre leur incroyable fils sous les feux des projecteurs. Ils ont choisi de lui permettre de vivre son étonnante passion. C’est un choix rationnel d’adultes responsables pour un jeune dénué de toute raison, mais nourri à tout instant de passion émotionnelle. Ils ne le font en réalité ni pour eux ni pour lui. Ils le font parce qu’ils ont compris que Lou et son don étaient un outil extraordinaire – c’est le mot ! – pour promouvoir l’éloge de la différence. Ce ne sont pas les projecteurs qui sont importants. Seul importe ce qu’ils éclairent : la richesse de la différence. Quelle qu’elle soit. C’est elle qui nous donne sens.