Printemps cosmique au Grand Palais : Kupka pionnier de l'abstraction

Madame Kupka parmi les verticales, 1910-1911 (détail)

Passé l’entonnoir des premières salles où l’affluence empêche tout plaisir de visite (ce qui est dommage car la période figurative de Kupka est aussi pleine de recherches plastiques et d’engagement politique et social, surtout dans ses caricatures), le visiteur arrive dans des salles aérées qui présentent les grands formats. Toute la beauté de la peinture de Kupka explose dans ces toiles.

Sa première toile abstraite, Amorpha, Fugue à deux couleurs, porte toute la force organique et musicale de l’art de Kupka. Dans cette veine, Printemps cosmique (ce titre !) est peut-être la toile la plus séduisante, surement par son aspect foncièrement joyeux. Fasciné par la fécondation des fleurs, Kupka célèbre dans cette toile une « fête du pollen dans un gynécée baigné de soleil ».

Printemps Cosmique, 1913-1914

Kupka a été éclipsé par le trio Kandinsky-Malevitch-Mondrian. S’il partage avec eux ce désir de renoncer au figuratif, qui trahit à la fois la réalité et l’expression de l’artiste, il n’est pas soumis à une théorie stricte et cherchera de nouvelles pistes durant toute sa vie.

Il est en perpétuel questionnement, en perpétuelle quête. Cette indépendance, il la cherche à tout prix. Un temps sous l’influence d’un gourou (Karl Wilhelm Diefenbach) axé sur une philosophie de la nature, il décide de s’en émanciper pour trouver sa philosophie personnelle, proche de la théosophie, comme Mondrian. Son observation de la nature, et particulièrement de l’eau, le mène, entre autres, à s'intéresser à l’abstraction.

L'eau (la baigneuse), 1910

Mais il y a un plaisir presque charnel à contempler ces œuvres abstraites, chairs déjà glorieuses dans les portraits de sa maîtresse Gabrielle puis de sa femme Eugénie. Ce n’est pas non plus un hasard si sa dernière série figurative s’intéresse aux prostituées.

Le rouge à lèvres,1908

Le sexe lui-même est représenté de façon métaphorique dans Contes de pistils et étamines. Et c’est justement ce refus de choisir entre esprit et chair qui rend sa peinture abstraite si vibrante.

Contes de pistils et d’étamines

Il crée également un système d’association de notes et de couleurs, synesthésie utilisée aussi par Kandinsky. Car Kupka est un grand coloriste et ce depuis sa période figurative. Il se libère de la couleur comme les Fauves, nouvelle piste vers l’abstraction. Cet aspect vibrant est accentué par ses recherches sur le mouvement entamées en 1908 autour de sa Petite fille au ballon.

Petite fille au balon, 1908 et étude

Observation de la nature, libération de la couleur, parallèle avec la musique, réflexions sur le mouvement et volonté de représenter sa réalité, sans oublier le contexte politique et historique, sont tous les éléments – indissociables les uns des autres - du processus qui a permis le passage à l’abstraction chez Kupka.

Mais attention, l’abstraction ne signifie pas la fuite de la réalité mais, au contraire, un moyen nouveau de la représenter de manière plus complète, de la moindre fleur aux étoiles, à l’intérieur, à l’extérieur, en mouvement…

Autour d’un point, 1920-1930

Si aujourd’hui le public s’extasie et se presse au Grand Palais, cela n’a pas toujours été le cas. Lors de la présentation de Amorpha, Fugue à deux couleurs au Salon d’automne de 1912, le public de l’époque ne comprend pas.

Vexé, Kupka refuse d’expliquer son œuvre et laisse le champ libre à d’autres pionniers de l’abstraction comme Kandinsky, qui racontera la fameuse anecdote selon laquelle il a eu une illumination en tombant par hasard sur une de ses toiles posée à l’envers.

Kupka est redécouvert après la Seconde Guerre mondiale par la nouvelle génération d’artistes abstraits en lien avec le Salon des Réalités Nouvelles. Cependant il ne sera jamais vraiment reconnu par le public de son vivant, ne bénéficiant ni de l’aura d’un Picasso ni de son réseau de marchands d’art et de galeries. Il espérait une reconnaissance posthume, on espère que cette exposition convaincra le public parisien de son génie !

Vue du Salon d’automne de 1912

Alors que le visiteur est déjà conquis, l’exposition frappe fort en présentant une très belle salle de  peintures architecturales. On pense à des villes imaginaires, futuristes ou extraterrestres. L’art nouveau ou la Sécession viennoise ne sont pas loin non plus. On pensait avoir tout vu de Kupka, il nous surprend encore. Ses études d’astronomie et de sciences naturelles sont perceptibles dans l’aspect organique de ces abstractions cosmiques.

série de Réminiscences

Les dernières salles présentent encore d’autres recherches de l’artiste. Si on est moins convaincu par la phase machiniste, on est séduits par les gravures de Quatre histoires de blanc et de noir. Même en noir et blanc l’art non-figuratif de Kupka garde toute sa force. Ces gravures incarnent un autre aspect de l’art de Kupka : la subtilité de sa narration. Ces œuvres vibrantes en mouvement racontent des histoires.

Printemps Cosmique, 1921

Après la Seconde Guerre mondiale, les artistes se questionnent sur leur manière de créer. Beaucoup s’intéressent à l’art abstrait tout en rejetant sa forme la plus géométrique, jugée trop froide. Kupka, lui, continue ses expériences en se questionnant sur le futur de la communication entre les hommes, rêvant de la télépathie.

Kupka, Pionnier de l'abstraction

Grand Palais, entrée Champs-Élysées 

21 mars - 30 juillet 2018

Lundi, jeudi, vendredi, samedi et dimanche de 10h à 20h.

Mercredi de 10h à 22h.

Pour en savoir plus :

Kupka - Pionnier de l'art abstrait | ARTE

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https://www.arte.tv/fr/videos/068374-000-A/kupka-pionnier-de-l-art-abstrait/