Philippe Beck dans le « dédale pensé »
La poésie de Philippe Beck est d’une très grande précision, pour autant le monde évoqué est simplement abyssal. Références musicales, littéraires, poétiques, nominations (première lettre d’un mot en majuscule, comme Nom), mots inventés, rêve et philosophie portent ces mondes classiques, jazzés, pianistiques, violonnisés, joués par des chœurs ou des solitaires :
« Musiqué, il s’avance dans l’intrigue
vers un Pays de Joueurs
entourés de Sable et d’Air
ou Tempête
comme d’un marbre secret.
Ils jouent de lui,
instrument regardant,
eux, les Étrangers affairés
en silence et en cris,
maisons sauvagées,
et il voit le monde loin
magnétique et rapprochées
dans des voix unies
ou concertés.
Son tristement demande
Au marbre ou au verre sa foi laissée :
Un grand fleuve de forces
Est montré dans le Séparé.
Il a ses réglés mouvementées,
Des nerfs de joie commencée, et la dispute des sables tapisse
L’air habitué.
D’où des paroles occupées et repliées.
Au poids des prés carrés. »
On peut lire et entendre ici dans ce poème dit Étrangers comme la concentration du recueil.
La poésie fait entendre l’écart entre les musiques écoutées et ces transcriptions.
Livre difficile quand on n’entend pas la musique d’une oreille exercée, et sans doute aussi quant on l’écoute ainsi. Mais il y a de toute façon l’énigme et l’ellipse propres à Philippe Beck, et je me dis qu’il faudrait que je comprenne un jour pourquoi j’aime tant l’énigme et l’ellipse. Il faudrait, ce serait passionnant, le commentaire d’un musicien quelque peu aguerri à la poésie.
Toujours est-il que la métaphysique côtoie ici le conte, « la Soufflerie est dictée du vent », et si je demeure certainement sourde à l’essentiel, ce que j’entends touche de la foudre dans « la chambre à poèmes fusibles. »
Isabelle Baladine Howald
Philippe Beck, Dictées, Flammarion, 2018, 246 p. 19€.