L’École populaire de Vitebsk :
laboratoire de l’art révolutionnaire
Du 28/03/18 au 16/07/18
Après le succès de Kollektsia qui dévoilait le don de plus de deux cent cinquante œuvres soviétiques et russes contemporaines, le Centre Pompidou se tourne vers l’avant-garde russe en consacrant une exposition à la période de l’école populaire d’art de Vitebsk (1918-1922).
Au fil des œuvres issues des collections du musée ainsi que des prêts inédits de collections russes et internationales, les visiteurs pourront découvrir la courte histoire de cette école fondée par Marc Chagall et marquée par le passage d’El Lissitzky et Kasimir Malévitch.
Centre Pompidou (Galerie 2)
Place Georges-Pompidou, 75004 Paris
du 28 mars au 16 juillet 2018
Tous les jours de 11h à 21h
(nocturnes le jeudi jusqu’à 23h)
Tarif : 14 € (réduit : 11 €)
Page de l’expo sur www.centrepompidou.fr
© Van Abbemuseum, Eindhoven / Photo Peter Cox
L’ENTHOUSIASME RÉVOLUTIONNAIRE DE CHAGALL
Suite aux événements de 1917, qui marquent la fin de l’ancien monde en Russie, une nouvelle société entame sa construction, plus égalitaire, plus socialiste. Un changement majeur, la fin des discriminations nationales et religieuses, va permettre à Chagall, artiste juif, d’être nommé au poste de commissaire des beaux-arts de sa ville natale, Vitebsk, située aujourd’hui en Biélorussie.Exalté par la révolution bolchévique, il connait une de ses périodes les plus créatives. Outre les nombreux chefs-d’œuvre qu’il produit, Chagall est chargé de diriger la création des décors pour les défilés célébrant la révolution d’Octobre.Marc Chagall
Au-dessus de la ville, 1914-18
Galerie Trétiakov, Moscou
© Adagp, Paris 2018
Chagall se consacre ensuite à la création de l’école populaire d’art où il invite d’éminents artistes à enseigner : Robert Falk, Ivan Pouni, Vera Ermolaeva, ainsi qu’El Lissitzky. En parallèle de ses prouns, celui-ci y confectionnera notamment des affiches de propagandes pour l’Armée Rouge, dont la célèbre « Frappe les Blancs avec le coin rouge », un des rares exemples d’agit-prop ayant recours à l’abstraction. Cette affiche illustre parfaitement les idées suprématistes que Lissitzky et Malévitch développent à Vitebsk.
LE TOURNANT SUPRÉMATISTE DE VITEBSK
Malévitch, invité par un Lissitzky admiratif, investit l’école peu de temps après son ouverture et la transforme en laboratoire du suprématisme. Délaissant la peinture, ce dernier se consacre à l’architecture, mais aussi à l’implantation théorique de ses idées à travers écrits et conférences. Il entend libérer le monde de la figuration afin d’atteindre la perfection à travers un mouvement artistique collectif, qui permettrait de toucher à l’essence même de la création par une épuration extrême du vocabulaire pictural.Chagall, dont le style figuratif permet à sa personnalité et son imaginaire de briller, ne se laisse pas ébranler par cette nouvelle forme d’abstraction qui lui est étrangère et qu’il choisit parfois de détourner avec humour. Il quittera néanmoins l’école en 1920, ses élèves lui préférant le charismatique Malévitch.
El Lissitzky et Kasimir Malévich
Suprématisme. Esquisse de rideau pour la réunion
du Comité de lutte contre le chômage, 1920
© Galerie Trétiakov, Moscou
Ces idées utopistes se verront néanmoins canalisées dès 1921 avec le changement de climat politique et l’école populaire d’art fermera l’année suivante.
UN ÉCLAIRAGE SCIENTIFIQUE POUR UNE PÉRIODE CHARNIÈRE
En parallèle de l’histoire de l’institution créée par Chagall, le Centre Pompidou met en avant celle moins connue du musée d’art qui lui est associé. Conçu par Chagall et ouvert en 1920 au sein des bâtiments de l’école, il y expose la création contemporaine locale et moscovite, en présentant notamment le travail de Natalia Gontcharova et Mikhail Larionov ainsi que des œuvres d’Olga Rozanova, une des nombreuses femmes artistes de l’avant-garde russe qui n’ont souvent pas été assez mises en avant.Cette fascinante exposition qui alterne œuvres picturales et graphiques ainsi que collages et sculptures, tous agencés avec clarté et pédagogie par sa commissaire Angela Lampe, se clôt sur une précieuse série d’interviews de commissaires et chercheurs. Le catalogue d’exposition constitue quant à lui la première étude française approfondie de ce riche chapitre de l’histoire de l’avant-garde russe et comprend des traductions jusqu’ici inédites.
David Iakerson
Esquisse pour Panneau avec une figure d’ouvrier, 1918
Musée régional de l’histoire locale de Vitebsk
© Adagp, Paris 2018
À PROPOS DE L’AUTEUR :
Zoé Isle de Beauchaine
Elle a contribué à la production de contenus éditoriaux pour différents artistes ainsi que pour des institutions culturelles. Elle est également contributrice pour la plateforme en ligne Russian Art and Culture et effectue des traductions dans le domaine de la culture et des beaux-arts. Après une première spécialisation en art russe, elle prépare actuellement un projet de thèse sur le lien entre photographie et troubles mentaux.
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