Sous le soleil créole

Publié le 25 juin 2008 par Chatperlipopette


Les tim-tim sont des devinettes créoles que l'on entendait lors des veillées. Posées par les conteurs, c'était des personnes de l'assistance qui cherchaient et donnaient les réponses.
Cambronne Mâcheclair est garde-champêtre et la terreur des contrevenants du village de Père-Labat: il porte haut son képi et son écusson proclamant La Loi! Entre verres de ti punch et travail, Cambronne est respecté de tous et s'acquitte scrupuleusement de sa tâche. Un jour, deux cadavres sont trouvés sur l'Ilet communal: celui d'un riche marchand et celui d'un mort exhumé! Or, en temps ordinaire, cela ne relèverait pas de ses compétences. Mais, ce dimanche, ont lieu des élections dans un autre village, siège des fraudes les plus diverses, et toutes les forces de l'ordre et judiciaires y sont au cas où éclateraient des émeutes.
Cambronne se rend donc sur les lieux du crime: la jeune épousée a pu être réanimée, une étrange mise en scène donne une ambiance de magie noire à l'ensemble. Qui a pu perpétrer un tel acte? Voilà notre garde-champêtre, bon vivant et bon buveur, sur la piste de la vérité.
En chemin, il se heurte au commissaire Glandor (quel beau nom, facétie délicieuse), prétentieux et jaloux de ses prérogatives, un tantinet incapable de mener à bien la moindre enquête à lui être confiée, rencontre l'appui de magistrats, la colère et l'invective du maire de Père-Labat et une mise en congé pour mener une enquête "off". Au gré du déroulement de l'enquête, le lecteur croise un curé alsacien, des gendarmes en short et chaussettes blanches, des marchands syriens à la douteuse honnêteté, des serveuses peu farouches d'une sensualité douce et sauvage à la fois, un sorcier albinos. Békés de fraîche date ou anciens, tous respectent les vieilles croyances (au grand désespoir du curé alsacien qui se coltine sans relâche avec ces dernières) et les supersitions: la sorcellerie est loin d'être une chimère et mieux vaut rester prudent....un personnage officiel n'est jamais à l'abri de trouver, un beau matin, un lézard enfermé dans une bouteille, sur le pas de sa porte! Notre Cambronne Mâcheclair donne de sa personne au cours de cette enquête troublante: les suspectes ne sont guère farouches. Il arrive dans le milieu craint et respecté à la fois des quimboiseurs, les sorciers: en effet, un sortilège réalisé dans les règles de l'art nécessite un cérémonial précis auquel il ne faut en aucun cas déroger (si on veut qu'il réussisse!) et qui forcément.....laisse des traces!
Jypé Carraud s'en donne à coeur joie dans les descriptions des personnages et dans le récit de leurs aventures proches du picaresque. Les Antilles chatoyantes, douces, langoureuses et ensoleillées cachent turpitudes et bassesses dans un décor de carte postale: certains sont prêts à tout pour parvenir à leurs fins (qui justifient à leurs yeux les moyens mis en oeuvre)....le sordide est, hélas, le même partout.
Le roman offre des scènes amusantes, drôlatiques: la veillée mortuaire, le sermon dominical du curé, la deux-chevaux de ce dernier crapahutant sur les routes, les marchés bondés et bruyants, les verres de rhum assortis de pruneaux et d'eau de Selzt, les chars bondés et hors réglementation, les scènes de ménage de Cambronne....tout un univers coloré, aux senteurs épicées et fruitées, et pas très éloigné le rêve des mers du Sud, Marie-Galante et la Dominique.
Un polar où la géographie, paysagère et humaine, est détaillée, à l'intrigue bien menée et surtout écrit avec un humour débridé! Le petit plus amusant: les chapitres où proverbes créoles, extraits d'oeuvres littéraires, citations et "tim-tim" annoncent leur déroulement de fort belle manière. Un polar qui aère l'esprit et apporte la bonne humeur au lecteur!