LA HAINE de MATHIEU KASSOVITZ.
Violence dans les cités, radicalisation, colères mal calibrées, terrorisme en sourdine, mort sibylline, langage cru, langage de bois, justice personnelle, justice douteuse, tout dans le second long métrage du comédien Mathieu Kossovitz reste encore d'actualité. Il prédisait des choses, plus ou moins, sans le savoir, dont nous sommes tous témoins de nos jours.
Il était pourtant inspiré d'un événement passé.
Le film de Kassovitz met en vedette Vincent Cassel, Hubert Koundé et Saïd Taghmaoui. Ils gardent tous leurs prénoms pour le film. Ce qui ajoute une certaine vérité. Vinz, le blanc juif, Saïd le maghrébin musulman et Hubert le noir chrétien, sont les trois protagonistes que nous suivrons dans les nuits d'émeutes de Paris suivant la grave blessure par balle d'un jeune par un inspecteur de police.
Nous suivront 24 heures d'intensité de leur colère. Une montée qui n'a rien à envier au Do The Right Thing de Spike Lee, auquel il emprunte la courbe narrative.
Le choix de Kassovitz, de tourner en noir et blanc, est non seulement esthétiquement concluant, mais suggère aussi l'absence de subtilité des personnages et de ceux qui les jugent, voyant tout noir ou tout blanc dans la situation des jeunes dans la cité.
L'ignorance et la pauvreté intellectuelle y sont traités avec intensité et ont des conséquences graves. La pauvreté de la banlieue est liée à celle de l'esprit de certain personnage. L'humour y est bien rythmé au travers du désarroi. On sent du début à la fin que la marmite mijote un plat chaud. Les journalistes, visant la sensation, sont vite écartés de leur cercle. Ils marquent aussi une large distance entre la classe éduquée et celui qui apprend la vie dans le rue, à la dure.
Le film, accusé injustement à rebours, de racisme et de tranquille misogynie trace un portrait de quartiers pauvres et bouillants. Lancé en 1995, le film est encore fameusement pertinent. Les sonnettes d'alarmes d'il y a 23 ans sont encore les mêmes de nos jours.
C'est l'histoire d'une société qui tombe.
Et qui se dit chaque 10 secondes, jusqu'ici, tout va bien...
Un film culte.