Il aura suffi d'un chiffre de la croissance proche de 2 %, martelé pendant des semaines par le gouvernement, pour que certains croient que l'hiver économique est derrière nous. Or, à bien y regarder, la situation économique structurelle de la zone euro s'est dégradée depuis le déclenchement de la crise en 2007/2008... C'est pourquoi, après un billet sur le retour du nationalisme économique et sur la situation financière des ménages français, il m'a semblé utile de dresser un rapide état des lieux de la situation économique au sein de la zone euro.
Les bons chiffres de la croissance
Il est certain qu'à court terme l'activité reprend du lustre dans la zone euro, comme à peu près partout dans le monde, comme le montrent les prévisions de croissance de l'OCDE pour 2018 :
[ Source : OCDE ]
Les lignes horizontales correspondent au taux de croissance annuel moyen du PIB sur la période 1987-2007, ce qui fait dire à certains qu'il reste encore des marges de progression dans de nombreuses régions du monde.
En France, on crie évidemment cocorico lorsque la variation trimestrielle du PIB est positive :
[ Source : INSEE ]
L'optimisme conjoncturel des marchés et des ménages
Mais se pourrait-il que ces bons chiffres ne soient que conjoncturels, c'est-à-dire l'arbre qui cache la forêt de misère ? On pourrait en douter, puisque de nombreux indicateurs d'anticipation sont orientés à la hausse comme par exemple :
* les indices PMI (Purchasing Managers Index), qui donnent des tendances sur l'activité (globale ou sectorielle)
[ Source : Natixis ]
* l'indice de confiance des ménages (en France)
[ Source : INSEE ]
La réalité économique structurelle au sein de la zone euro
Pour faire simple, il semblerait qu'en raison d'une politique fiscale avantageuse pour les plus riches et une politique monétaire de taux bas, les agents économiques se persuadent de lendemains qui chantent. Sauf que cela repose sur une vision biaisée du fonctionnement des politiques économiques - ces dernières ne pouvant à l'évidence rester tout le temps expansives - et sur une myopie quant à la réalité économique structurelle au sein de la zone euro, l'expansion actuelle de l'activité n'étant au fond qu'un simple phénomène de rattrapage après dix ans de crise...
Outre que le taux d'endettement total laisse présager des catastrophes (graphique 5), il est bon de se rappeler que les inégalités augmentent dans la plupart des pays (graphique 6) et qu'elles sont de plus en plus mal supportées par les citoyens.
Graphique 5 : Taux d'endettement privé
[ Source : Alternatives Économiques ]
Graphique 6 : inégalités de revenus mesurées par l'indice de Gini (0=égalité parfaite, 1=un seul individu reçoit tous les revenus)
[ Source : Natixis ]
De plus, même si le chômage a entamé son reflux, il est fort probable que sa part conjoncturelle soit désormais très faible, ce qui revient à dire que le chômage structurel a augmenté, en raison notamment de la perte de compétence des salariés trop longtemps éloignés du travail et des destructions de capacités de production depuis 2007. Conjugué à des gains de productivité faibles dans de nombreux États membres de la zone euro et à un manque d’investissements publics parfois criant comme en Allemagne, la croissance ne pourra être que très faible à terme. Ce d'autant plus que la robotisation, qui est en train de prendre son envol notamment avec les outils numériques, laisse présager une accélération de la désindustrialisation de la zone euro.
En définitive, je vous laisse imaginer ce qu'il adviendra lorsque les agents économiques, et les marchés en particulier, découvriront leur myopie et opèreront des corrections !
P.S. : l'image de ce billet provient de cet article consacré à la réalité virtuelle.