Vahé Godel n'a pas mis pour rien en épigraphe une phrase de Paul Claudel extraite de son Journal:
Il n'y a que dans rien que tout se trouve à l'aise.
Appliquant cette maxime, il extrait de L'Or du rien, ce qui n'a évidemment rien de wagnérien... Et ce sont donc des pépites qu'il offre au lecteur avec ses poèmes, ses textes poétiques, ses notules...
Il commence par faire à partir du noir et du blanc quelque chose, jonglant avec les expressions où ces couleurs apparaissent. C'est sa manière photographique et artistique à lui de préfacer son livre.
Et dans son livre, comme dans un de ses poèmes,
Les mots se démultiplient
Les langues se délient
Il se fait écho du rien, il rithmaille, comme disait Rabelais, il répète (Au commencement était la répétition, disait Michaux...) et, chez lui:
Rime et anaphore se conjuguent, se répondent.
Ainsi dans ce poème où je est rien moins que haïssable et qui commence par ces vers:
je marche
je mâche
je crache...
Le lecteur prend, déprend, reprend son livre, suivant volontiers le conseil avisé de l'auteur:
N'implore pas: explore.
Conseil qui n'est pas seulement règle de vie...
Et s'il est ingénieur, peut-être un de ces géniaux ingénieurs qu'évoque le centralien Boris Vian, il se repaîtra de sa paradoxale Loi des nombres, poursuivant avec lui une ombre, l'ombre du Nombre d'Or...
Vahé Godel met en pratique, dans ce recueil substantifique, ses propos sur la poésie, qui, pour lui est, entre autres:
Une clé sans serrure. Un oeil sans paupière. Un oiseau déplumé. Une ombre. Une lueur. (Une résurgence).
Pour faire une fin, pourquoi ne pas citer, la définition du mot (dont il est un alchimiste) qu'il susurre entre parenthèses:
(Qu'est-ce qu'un MOT?
c'est un MORT qui
n'en a pas l'R...)
Francis Richard
L'Or du rien, Vahé Godel, 56 pages, Éditions de l'Aire