(Anthologie permanente) Laurent Fourcaut, "Joyeuses Parques"

Par Florence Trocmé

En lien avec la note de lecture de Jean Renaud, trois sonnets extraits du livre Joyeuses Parques de Laurent Fourcaut.
En pleine dépression rendu plus bas que terre
j'échoue au Vieux Saumur où l'atroce music
en remet une couche on dit le cimetière
de Bône envie de mourir il donne le hic
c'est que c'est loin et que ce merveilleux cautère
a changé de nom il devenu amnésic
se dénomme Annaba or ce nom oblitère
le cimetière marin pied noir dans l'eau (sic).

une teuf se prépare ici premier étage
ah ! l'abomination plutôt crever vraiment
que de subir cette hystérie de bas étage
tous insectes aspirés par le pauvre aimant.
le printemps est glacial et la lumière est froide
la question : au tombeau ou de sang être roide ?
     DÉPRIME
Passant devant le 89 rue de Rome
« Mallarmé Stéphane en cet immeuble vécut
il n'était pas heureux professeur ce brave homme
Verlaine et Huysmans effacèrent sa rancu
ne en le faisant célèbre » non tant pour sa pomme
que pour l'obscurité au règne des écus
d'un poème émacié et sonore qu'on nomme
mallarméen pardi nulle sibylle à Cu
mes n'en donne la clé — puis en horlogerie
me suis rendu boutique Le Temps retrouvé
(au 123) dernière en la folle série
des lubies qui font de mézigue un réprouvé :
la vieille montre au sang confit et mécanique
(un péché supérieur aux crimes sataniques)
   UNE HORLOGE
Gould joue les Partitas de Bach c'est une mate
jubilation ça chante dur dévide avec
extatique scansion la bobine écarlate
cette pastille si dense d'essence élec
trique qu'elle irradie ravie sa casemate.
lui égrène impartial sans nuls salamalecs
les milliers de particules qui ne se matent
pas par les yeux : les muscles enfouis ? le fin bec ?
il embrasse et resserre le ciel de septembre
sans corps invertébré à hébéter le cœur
pas de pathos une joie noire qui se cambre
rien qui soit plus funeste à l'esprit de langueur
— célébrant bouche cousue la joyeuse essence
de l'être il initie gratis à sa cadence
   ESSENCE DE L'ÊTRE
Laurent Fourcaut, Joyeuses Parques, Éditions Tarabuste, 2017, 214 p., 18€, pp. 107, 113 et 157.