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Vous avez dit e-administration pour la France  ?

Publié le 02 avril 2018 par Anne Onyme


Permettez-moi, ami lecteur, de plussoyer à gorge déployée ! (plussoyer : verbe macronime encore peu utilisé).

Je doute en effet que nos braves hauts fonctionnaires et autres élus qui nous gouvernent, y arriveront seuls.

Si tant est d’ailleurs, qu’ils le veulent !

Vu de l’extérieur par un simple « usager » comme moi, l’Administration de notre pays est en effet un joyeux bric-à-brac : quelques ilots numériques perdus dans un océan de formulaires papier Cerfa, diverses usines à gaz, lourdes bureaucraties réparties en plusieurs couches (central, régional, départemental, communal, communautés de communales, etc), organisations antediluviennes (comme les MDPH par exemple, que j’ai eu l’occasion de fréquenter en tant « qu’usager handicapé »), Justice tirée par un attelage d’escargots, structures bancales avec de fortes ruptures de charge dans les process (c’est à cause de cela que j’ai été amputé d’une jambe).

Bref : il n’y a pas de pilote dans l’avion ! Chacun fait un peu ce qu’il veut dans son coin sans trop se préoccuper de ce que font les autres.

Peu d’appétence pour le numérique !

2 choses me sidèrent chez les fonctionnaires (les hauts, comme les bas), comme chez nos élus, et en gros d’ailleurs pour toutes nos élites. A quelques exceptions prés.

1/ le peu d’appétence qu’elles ont pour ce qui se passe dans les affaires « full digital » du Monde, Monde qui devient un e-village. Ce qui se met en place aux USA, en Chine, en Estonie, à Dubaï, à Gibraltar, en Slovénie, etc, etc.... a et aura forcément un impact de plus en plus important dans le village d’Astérix. La France ne peut plus vivre en circuit fermé. Ou faire semblant.

2/ et plus grave encore, ces élites sont incapables de construire des plateformes numériques et de les manager. A part quelques exemples, comme la gestion et le paiement des impôts.

J’avais publié sur mon blog en 2013 une petite étude sur les élites françaises et le numérique.

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Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles ne sont pas à l’aise dans ce nouveau monde. En fait, elles ont tout loupé : du Plan Calcul au Dossier Médical Personnalisé (DMP), en passant par Louvois (la plateforme pour payer nos soldats), Quaero qui devait ringardiser Google (!), Andromède (notre cloud qualifié comme il se doit, de souverain), etc.

Même le Minitel, que l’on a certes réussi, mais qu’il a fallu mettre à la poubelle en 2011, car les Français de base lui ont préféré l’Internet (alors que le créateur du premier réseau « paquets » a été l’œuvre d’un Français en France ! Un comble !).

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On a ainsi « poubellisé » des milliards d’€ d’argent public. Milliards qui n’ont pas été perdus pour tout le monde : « les copains des copains » en ont profités. Et comme on n’est pas capable de réaliser, on a fait appel aux Américains. Microsoft « gère » ainsi notre Ministère de la Défense et de l’Education !

Pour un pays qui se veut souverain, encore un comble !

Et pendant ce temps…

L’Humanité change de civilisation !

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Je pense en effet que l’Humanité - dont nous faisons partie, si j’ai bien tout compris (?) -, change de civilisation. Comme nos ancêtres l’ont fait il y a 10.000 ans dans le Croissant Fertile (Révolution Agricole) et il a 300 ans en Angleterre avec la Révolution Industrielle.

Chaque révolution a été amorcée par quelques Humains seulement, qui ont inventé des nouvelles technologies qui n’existaient pas au préalable. Et ce sont ces nouvelles technologiques qui ont enclenchées ces révolutions. Car sans elles, pas de révolutions !

Et en ce moment, on peut dire que nous sommes servis en matière de « nouvelles nouvelles » technologies. Il n’y en a jamais eu autant dans l’Histoire de l’Humanité, en si peu de temps !

Petit liste à la Prévert : Internet certes et réseaux sociaux, mais aussi blockchain, crypto-monnaies, ICO (Initial Coin Offerings), voitures et camions autonomes (sans volant et sans pédales), token, hyperloop, génomique et ciseaux génétiques (Crispr Cas9), drone, e-santé, legaltech, machine learning, chatbots, robots industriels et de services, intelligence artificielle, séquenceurs génomiques à très haut débit (et d'autres sur clef USB), food 2.0, disruption des langues, microgrid électrique, powerwall et tuiles solaires, Internet des objets, ordinateur quantique, 3D bio printing, génétique synthétique, spectrométrie de poche, civictech, etc.. etc.

La liste est déjà longue et augmente toujours un peu chaque jour que Dieu fait. Prise une à une, ces technologies font de temps à autres un 20 secondes au JT de tF1. Ces flashs étonnent et amusent le peuple, mais n’incitent pas à la réflexion. Par contre, prises dans leur ensemble, ces technologies se renforçant l’une l’autre, annoncent un changement majeur dans les Sociétés Humaines. Une nouvelle Révolution à mon sens !

Après l’Agriculture et l’Industrie, la 3ème grande Révolution de l’Humanité s’enclenche. Je l’appelle « la Grande Disruption ». Comme d’habitude, l’Humanité ne sait pas où elle va. Mais elle y va. A part les Gaulois, qui veulent savoir où mettre les pieds avant d'y aller. Principe de précaution oblige. Mais comme ils ne sont pas informés, comment voulez-vous qu’ils aient un avis circonstancié ? Ils n’ont qu’un seul avis : le statu quo.

Nous avons désormais une belle cohorte de startups. Mais c’est pour moi de la poudre aux yeux, car on ne pourra pas suivre le mouvement avec notre lourde bureaucratie que l’on va traîner comme un boulet. Un e-cataplasme sur une jambe de bois.

Un peu de e-géopolitique

 En gros, 3 blocs dans le monde du numérique :

1/ Asie avec la Chine en tête, qui comme dirait Alain Peyrefitte, est très bien e-réveillée.

2/ Etats-Unis de l’autre côté, qui ont été le berceau du numérique occidental avec un effet d’entraînement mondial, grâce à l’écosystème de la Silicon Valley.

3/ Et au milieu, le e-ventre mou de l’Europe. Car, désolé de vous le dire crûment, ami lecteur, nous n’avons que de petites e-choses dans notre besace. Pas de quoi inquiéter USA et Chine.

Cette dernière a été, et est toujours, la plus grande usine de Monde. C’est une dictature, conduite par des politiques qui, pour la plupart, ont reçu une éducation scientifique/technologique/numérique. Ce qui n’est pas le cas en France et en Europe (à part Madame Merkel - Docteur en chimie quantique, et Madame Kersti Kaljulaid - MBA en biologie).

Mais la Chine s’arroge maintenant, ou veut s’arroger la palme mondiale du numérique, et damer ainsi le pion aux Américains dans l’Intelligence artificielle et la e-santé notamment. Elle a son équipe de choc : les BATX (Baïdu, Alibaba, Tencent, Xioami).

Et les Américains, pays libéral, de type démocratie représentative, ont eux leur Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft que l’on peut y rattacher…)

Batx versus Gafam.

Lesquels utiliseront l’Europe comme champ de e-bataille, en y déployant leurs e-panzers qui viendront nous e-gérer en mode « full digital », puisque l’on ne sait pas le faire nous-mêmes. Et il leur sera facile de contourner nos lignes Maginot que sont nos législations locales, tricotées patiemment par nos élites au cours des années. Nos milleniums d’ailleurs, vont s’en donner à cœur joie, car ils préféreront utiliser avec leur smartphone les « apps » étrangères (rappelez-vous, la disruption des langues arrive…). Plutôt que de remplir des documents Cerfa, comme leurs parents.

Mais en cherchant bien, n’aurions-nous pas quelque chose en Europe à opposer aux e-panzers chinois et américains ?

Hé bien si !

La e-perle européenne !

Il s’agit de l’Estonie. Un peuple d’irréductibles finno-ougriens située, sur les marches nord-est de notre continent (en rouge sur la carte).

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Voilà un pays qui était, jusqu’en 1991, sous la coupe des Soviétiques et du KGB. Avec l’effondrement de ces derniers, le pays a pris son autonomie. Il aurait pu faire comme tout le monde, et amorcer son développement en mode traditionnel, étape par étape, comme nous l’avons fait. Eh bien non !

Les premiers élus ont une vision de l’avenir complétement différente, et qui force le respect. Ils voyaient loin – et sans trop se préoccuper de leur réélection - et ils sont passé directement en 2.0, en s’entourant de hauts fonctionnaires estoniens sortant du MIT ou ayant un PhD d’une grande université américaine.

https://e-estonia.com/

J’y suis allé en mai dernier avec quelques amis. Nous en sommes revenus « esbaudis » (autre macronime encore peu utilisé).

Une vue de Tallinn la capitale, ex-ville hanséatique.

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Pour faire vite : chaque estonien a sa carte d’identité à puce (la IDcard) qui lui permet d’accéder à tous les services publics on line par un seul portail sécurisé ! Car chaque ministère ne fait pas sa e-soupe dans son coin, sans plan d’ensemble. Un millier de services publics environ sont disponibles. Y compris leur dossier médical ! Et ils votent en blockchain ! (ci-après la IDcard connectée grâce à un petit adaptateur sur le port USB d'un micro-ordinateur).. La carte peut être remplacée par une smartphone avec un "mobile ID"..

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Plus de papier chez eux ! Ce qui entraîne une économie de frais généraux pour l’Etat de 2%/an du PIB ! (En France cela représenterait 50 milliards d’€/an !). Et une grande fluidité/rapidité dans l'organisation du pays. Plus de déplacements "bureaucratiques" pour faire la queue dans une administration, du wifi gratuit partout ou presque, un réseau fibre (à 10G !).

De plus, pas bêtes qu’ils sont nos finnos, ils ont utilisé cette infrastructure open source, dénommée « x-road », pour permettre aux étrangers intéressés, de devenir e-résident estonien, et de créer leur entreprise en Estonie, sans bouger de leur pays ! En quelques minutes seulement. Y compris pour ouvrir un compte bancaire dans une banque locale en visiophonie ! Ils attendent 10 millions de e-résidents en 2025 ! (je suis e-résident).

https://apply.gov.ee/

Bref, ils mettent au point un tout début de trans-nationalité.

Et ce n’est pas tout : ils ont annoncé une crypto-monnaie d’Etat (le estcoin), et une ICO (Initial Coin Offerings) mondiale, pour permettre de financer leurs propres startups et celles créées en Estonie par les e-résidents (10 à 15% des e-résidents y créent en effet leur entreprise dans l’année).

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La clef pour résister au déferlement des Gafam/Batx sur l’Euope : la carte d’identité « secure ». Une seule carte pour tout ! C’est une condition nécessaire à mon sens, mais pas suffisante. Car une fois fait, il faut créer tous les services publics on line. Et là… basculer la bibliothèque de Cerfa on line….

Le problème semble a priori simple :

Point 1 : si l’on ne veut pas être e-inféodé par les e-panzers des uns et des autres, il nous faut rapidement nous mettre au tout numérique.

Point 2 : mais nous ne savons pas faire.

Point 3 : faisons donc appel à ceux qui savent, et qui ont montré que cela marche chez eux. Pas besoin en effet de recréer l’eau chaude !

Conclusion : que toute l’Europe (et la France donc) adopte le x-road. Et si là aussi, nous en sommes pas très futés, faisons directement appel aux startups estoniennes comme Cybernetica, Nortal, Guardtime, etc. Qui ont mis en musique les idées des élus. Et évitons de faire appel à nos « copains des copains ».

So what, on fait quoi Monsieur le Président ?

Notre Président de la République a déjà fait fort : il a poubellisé (avec l’aide de ses électeurs naturellement) nos vieux politicards 1.0, qui cadenassaient le pays dans un immobilisme glaciaire, depuis des dizaines d’années.

Mais le plus dur lui reste à faire ! Mettre le pays, son administration (centrale, régionale, départementale, communale, etc), nos flamboyantes institutions de tout poil, nos rébarbatifs silos et autres corporations hanséatiques, sur la voie du Futur.

Et là, cela ne va pas lui être simple.

De plus, il n’a pas l’éternité devant lui.

Travail herculéen.

Notons que Madame Merkel est devenu e-résidente estonienne (à la différence de Messieurs Macron, Philippe et Mahjoubi, qui ont décliné l’offre du premier ministre estonien Jüri Rastas). Angela Merkel a même déclaré à l’époque, que l’Allemagne, premier pays industriel au moins en Europe, et l’Estonie, premier pays « full digital » dans le Monde et reconnu comme tel, que tous deux donc pourraient amorcer l’Europe 2.0.

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"... During her visit, Merkel delivered a speech entitled “Estonia – a pioneer in digital technology – and Germany – a global industrial power – shaping the future of Europe together” at the SpaceX Event Centre, where Prime Minister Rõivas presented her with an e-Resident ID-card...

Mais avec les dernières élections, Madame Merkel a été stoppée dans son élan. Quelques rumeurs en effet faisaient état à l'époque de réunions de travail entre l’Estonie et le gouvernement fédéral allemand. Une belle équation :

Macron + Merkel + Estonie = Europe 2.0 ??

Cela étant, si vraiment on veut faire une Europe Fédérale, il faudrait que chaque pays adopte les mêmes fonctionnalités numériques. La même IDcard, un portail unique donnant un accès sécurisé à tous les services publics de chaque pays, avec dossier médical, vote en blockchain, etc..

Ce qui implique que les différents services numériques locaux des uns et des autres n’ont pas d’avenir.

On peut rêver !

Mais en attendant :

French-road.fr

Quelques irréductibles gaulois (il n’y a pas que les finnos qui sont irréductibles), qui partagent cette vision, ont décidé de créer une association : french-road.fr pour amorcer chez nous le x-road à la française et nous mettre à la disposition de la Nation.

Car, comme le Président de la République l’a évoqué lors de ses vœux à la Nation : « Ne vous demandez pas ce que l’Etat peut faire pour vous, mais ce que vous pouvez faire pour l’Etat ».

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Nous avons saisi la balle au bond, Monsieur le Président.

Nous attendons un De Gaulle 2.0 pour piloter l’avion. L’avons-nous trouvé ?

Jean Michel Billaut

Président Fondateur de l’Atelier de BNP Paribas, Vice-Président de French-road.

email : [email protected]

Cet article a été publié dans la revue de "l'ENA hors les murs", le magazine des anciens de l'Ena (une population d'environ 6.000 personnes, dont 4.500 en activité, et le reste à la retraite). N°de mars 2018.

Genèse de cet article..

Il y a 3 mois environ, Didier Serrat, que je ne connaissais pas, me demande pour venir déjeuner avec moi, dans mon coin. Comme il n'avait pas de voiture, je vais le chercher (avec ma petite auto aménagée) à la gare de Méré-Montfort l'Amaury. Au moment de rentrer dans ma voiture.. il me dit tout de go : "Mes excuses Monsieur Billaut, mais je suis énarque !" Je ne m'attendais pas à cette mise en relation .. Et un peu décontenancé, je lui ai répondu : "Montez donc, on va vous arranger cela..". Nous avons bien déjeuné.. je lui ai donné mon avis.. Il m'a demandé d'écrire cet article. La rédaction de cette revue n'a rien modifié (j'espère toutefois qu'elle a corrigé mes fautes d'orthographe)..

Je remercie Didier de m'avoir permis de donner mon avis à quelques élites de la Nation, qui si elles veulent vraiment s'informer sur cette "disruption civilisationnelle" à laquelle elles seront obligées de s'adapter.. peuvent toujours suivre mon flux twitter (17.000 abonnés), mes élucubrations sur mon wall Facebook (5.000 friends), Linkedin (12.000 relations), Medium.., mon blog (plus d'un milliers de lecteurs), mon billautshow.. Et maintenant mon atelier visiophonique.. où je reçois un invité chaque mardi à 18:00. Vous pouvez y participer, même si vous êtes énarques ! Simple ! Il suffit de cliquer sur ce lien les mardis à 17:55 Paris Time  https://zoom.us/j/5305937789

PS. Si d'autres rédac-chefs des revues de nos grandes écoles envisageraient eux aussi de.. je me tiens à leur disposition.


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