Artnews a mis en ligne il y a deux jours un article, Resistance, Rebellion, and Culture: Exhibitions Around London Renew Questions About a So-Called Black Aesthetic, dont je souhaite partager avec vous les grandes lignes car elles ne me semblent pas sans relation avec les problématiques artistiques de la Caraïbe. Il y est question des récentes expositions présentées à Londres qui ont revisité ce que l’on désigne par l’expression anglophone Black aesthetic. C’est un courant artistique qui s’est développé dans les années soixante au moment de la lutte pour les droits civiques aux Etats – Unis et s’est répandu dans la diaspora. Proche du Black Power et théorisé par Larry Neal, ce mouvement invitait les plasticiens et écrivains à refuser l’assimilation, à créer leur propres magazines et maisons d’édition et à traiter de leurs expériences et problématiques. C’est d’ailleurs de cette époque que date la création des programmes d’études afro- américaines dans les universités qui produisent encore aujourd’hui des outils d’analyse précieux.
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La plus importante et la plus aboutie des expositions londoniennes, celle de la Tate Modern a pour titre Soul of a Nation: Art in the Age of Black Power. Elle est aujourd’hui visible au Crystal Bridges Museum of American Art en Arkansas. Elle a retenu comme thème l’art noir américain des années 1963 à 1989. Plus de cent cinquante œuvres produites par une soixantaine d’artistes y sont rassemblées à partir d’un fondement théorique solide. Parmi elles, des oeuvres majeures comme Brilliantly Endowed (Self-Portrait), 1977 Barkley L. Hendricks que facebook ne manquerait pas de supprimer du fil d’actualité s’il y était inséré… Injustice Case (1970) de David Hammons où l’empreinte corporelle sérigraphiée d’un homme ligoté sur une chaise, tendue vers sa délivrance, figure, encadrée par un drapeau américain ou encore la très célèbre Liberation of Aunt Jemima (1972) de Betye Saar.
DAvid Hammons
Injustice case
1970
Tout au long de l’année 2017, le public londonien a pu également découvrir à la Tate Britain, Stan Firm inna Inglan: Black Diaspora in London, 1960–70s qui regroupait les clichés d’une trentaine de photographes. Alisson Thompson, la première présidente de l’Aica Caraïbe du Sud en était co- curator avec Elena Crippa et Susana Vargas Cervantes. Le titre est emprunté à un poème de Linton Kwesi Johnson It Dread Inna Inglan (1978). Ce dernier était venu rejoindre sa mère à Londres peu de temps après l’Indépendance de la Jamaïque, environ une décennie après l’arrivée du paquebot SS Empire Windbrush qui marqua en 1948 le début d’une large vague migratoire de la Caraïbe vers le Royaume – Uni, période si merveilleusement évoquée dans un passionnant roman d’Andrea Levy, Hortense et Queenie, Small Island pour les lecteurs anglophones.
En décembre dernier, le célèbre et convoité Turner Prize a été attribué à Lubaina Himid, première femme noire à remporter ce prix. Elle avait participé au BLK art group dans les années quatre – vingt. Un groupe de jeunes artistes noirs, inspirés par le Black Art movement, soulevaient alors les problématiques de l’identité, de la nature et de l’avenir de la black aesthetic. Plusieurs expositions ont mis en lumière ses créations passées et présentes, au Modern Art d’ Oxford , Spike Island à Bristol, à la South London Gallery, à la Ferens Art Gallery comme dans des expositions de groupe, The Place Is Here.
Lubaina Himid – Fashionable Marriage installation, Tate Liverpool