Surprise ! Gare de Lyon, un mur a la parole…
Il s’en est fallu de peu pour qu’elle passe inaperçue. A dix minutes d’intervalle, l’affiche était déchirée. Belle réussite pour ce visuel inspiré de l’esthétique 68 : caractères bien graissés comme sortis d’une sérigraphie militante, noirs et rouges, chromatiquement parfaits, espace bien rempli.
Le slogan est actuel, solide et transgressif. Solide parce qu’il affirme l’exercice d’une liberté fondamentale, la liberté des croyances, c’est à dire la liberté de croire et la possibilité de ne pas croire, d’être indifférent et préférer les choses de la vie à la gloire des anges ; transgressif parce que dans le brouhaha des affirmations identitaires, il est difficile de faire entendre la pensée libre. « Vous ne nous empêcherez pas de penser », rappelle furieusement que d’autres murs affirmaient il y a cinquante ans qu’il était « interdit d’interdire ».
Si en 68, les codes de l’expression visuelle étaient renouvelés pour laisser la place à l’insubordination, au pacifisme, à la générosité et au désir d’un bonheur post gaullien, aujourd’hui, c’est la liberté de conscience qui est battue en brèche, poussés que nous sommes à nous trouver une idole pour entrer dans l’ordre nouveau des croyances.
L’affiche porte le nom de Jean-Michel Ribes, metteur en scène animé par des convictions qui lui valurent en 2012 d’être agressé par des catholiques radicalisés en raison de la programmation dans son théâtre de la pièce Rodrigo García, Golgota picnic, qui présentait une image qu’ils estimaient blasphématoire du Christ, personnage principal de la pièce. Donner un peu de parole à la salle des pas perdus de la gare de Lyon, c’est lancer un petit caillou dans le marigot des médiocrités contemporaines. Encore !