Lola, cette fois, s'appelle Nora, petite brune de 40 ans, aux yeux bleus. Elle est psychanalyste, très marquée par les figures de Freud et de Lacan. Elle aurait pu être mathématicienne: Un être humain, après tout, est une équation plus ou moins compliquée à résoudre...
Bien que petite fille du chef d'orchestre Léonard Bernstein, elle écoute peu de musique. Freud et Lacan ne s'y intéressaient pas... Mais elle aime bien la littérature, la vraie, surtout Kafka et Dostoïevski. Étrangement pas de Bible à l'horizon. Mais Freud, toujours Freud.
Lui, son amant, écrivain controversé comme l'est aujourd'hui devenu Philippe Sollers, rejoint le Centre, où se situe l'oeil du cyclone et d'où il regarde sereinement ce qui tourne autour de lui, après avoir fait le tour, sur sa circonférence, de la dévastation générale:
La dette est colossale, le chômage explose, les attentats crépitent, les prisons sont pleines, les banques règnent, les lobbys médiatiques sont déchaînés, le climat est détraqué, l'hystérie, et sa voix saccadée, est à son comble...
Tout cela ne l'empêche pas, en considération de l'histoire, de croire plus que jamais aux progrès de l'esprit humain. Et puis, se dit-il: l'eau coule toujours sous les ponts, les arbres fleurissent, et, comme d'habitude, ma complicité est totale avec les oiseaux...
Avec Freud, ce détective d'un genre nouveau, il sait que l'espèce humaine, et c'est son charme, est très ancienne. Comme Freud, il ne pense pas qu'une société ait besoin de religion, mais remplacer une religion par une autre est un travail titanesque, extrêmement délicat...
Il ose avouer: Je vis chaque minute comme une préparation à être savouré par le néant. Il m'attend, je salive, je suis sa proie préférée, je lui dois tout, même si rien n'est tout. Aucun désespoir, le soleil brille, et voici le soir charmant, ami du criminel. Il roule au néant en musique...
Il ne s'étonne pas de l'hostilité que d'aucuns ont envers la psychanalyse: L'analyse est l'absolu contraire du "être ensemble", seriné par la propagande sociale. La singularité humaine qu'elle découvre n'est-elle pas une vérité qui les dérange et qui remet en cause l'ennuyeuse uniformité?
Le mot de la fin, qui sonne comme une devise?
La réalité est une passion triste, le désir un réel joyeux.
Francis Richard
Centre, Philippe Sollers, 128 pages, Gallimard
Livres précédents chez Gallimard:
Trésor d'amour (2011)
L'éclaircie (2012)
Médium (2014)
L'école du mystère (2015)
Mouvement (2016)
Beauté (2017)
Livre précédent chez Grasset, avec Franck Nouchi:
Contre-attaque (2016)