Qui l'eut cru? Le Main Square se hissant en l'espace de quatre ans à peine parmi les plus gros festivals de France? «Même pas dans mes rêves les plus fous!», concédait il y a quelques temps France Leduc, grande prêtresse de ce rendez-vous arrageois concurrençant désormais les Bobital, Solidays et autres Eurockéennes de Belfort (dont elle fut la programmatrice!), qui ont également lieu en ce premier week-end de juillet. Et pourtant…
faut bien avouer que ça n'a pas été sans mal. Et France Leduc ne s'est pas fait que des amis. Clouée au pilori pour avoir pactisé avec Herman Schueremans, géniteur du festival de Werchter (80 000 spectateurs par jour, des affiches de rêve et lauréat à cinq reprises du Arthur Award, trophée qui récompense le meilleur festival mondial), et patron en Europe du controversé et redouté géant américain Live Nation, que les producteurs français se seront efforcés de garder à bonne distance. Et ses détracteurs de reprocher à France Leduc de « faire entrer le loup dans le bergerie »
« Je n'ai pas le sentiment d'être un loup, répliquait en mars dernier Herman Schueremans, de passage sur la Grand-Place d'Arras pour en admirer la majesté. Mais si tel est le cas, je suis heureux d'entrer dans une bergerie où, à force de rester en troupeau, les moutons commençaient à sombrer dans l'inceste! » Et de regretter le chauvinisme des professionnels français, ayant en quelque sorte plongé la France dans une espèce de torpeur la mettant du coup à l'écart des plus grands rendez-vous musicaux.
Aucun regret, donc. Et puis, à vrai dire, le duo Leduc- Schueremans insiste bien là-dessus: tout cela, c'est de la cuisine interne. Ce qui compte pour le grand public, c'est de pouvoir se payer de bonnes tranches d'exceptions, peu importe comment elles sont découpées! Autrement dit: peu importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse « Ce qui prime aujourd'hui pour le spectateur lambda du Nord - Pas-de-Calais, c'est qu'à Arras, il y a chaque été un festival aux affiches aussi prestigieuses que celles des Francopholies de La Rochelle, des Vieilles Charrues de Carhaix ou encore des Transmusicales de Rennes. »
Et là encore, tant pis si la multiplication de ce genre d'événements fait irrésistiblement grimper les tarifs des gros poissons, que tout le monde cherche à ferrer. Radiohead se monnaie ainsi autour de 400000 euros le concert ! C'est sûr, tout le monde ne peut pas suivre.
La guerre des festivals a donc bien lieu. Mais il ne viendrait à personne à Arras l'idée de s'en plaindre. Placebo et Gomm en 2004 ; Depeche Mode, Muse, The Kooks et Goldfrapp en 2006; Tryo, Ayo, Indochine et Air l'an dernier. Et cette hallucinante programmation pour 2008 (Radiohead, Mika, The Chemical Brothers)
Sans compter que, là encore grâce au tout-puissant soutien de Live Nation, FLP (pour France Leduc Productions) peut s'offrir le luxe de faire venir Céline Dion au lendemain même du Main Square, et Metallica pour inaugurer un tout nouveau festival-Rock en France-en août, au même endroit. Non, décidément, dans la ville natale de Robespierre, personne n'aurait mis sa tête à couper qu'Arras deviendrait un jour une place incontournable de la musique en France.