Chaque mois, dans les 10 derniers jours, comme pour la musique (vers le milieu), et le cinéma, (dans les 10 premiers jours, je vous entretiens de l'une des mes trois grandes passions, nécessaires à comprendre la vie sur terre, la littérature.
Je vous parle d'un livre qui m'a marqué et tente de vous dire pourquoi.
Lire c'est penser, prier, communier, parler à un ami, l'écouter se confesser, vibrer à son rythme, que l'on découvre peut-être, c'est s'ouvrir les sens, lire c'est voir des idées s'exprimer, forger les siennes, confronter ses préjugés, écouter la musique qui n'est pas la sienne, explorer, apprendre, aimer, mépriser, grandir, vivre.
Lire c'est un peu beaucoup mon métier. Ce n'est pas un job, en fait, c'est pour moi un prolongement de la respiration.
1915.
Gregor. un vendeur itinérant, se réveille un matin, littéralement transformé en vermine proche de l'insecte (dépendant des traductions). Le temps de réaliser ce qui lui arrive, il prend beaucoup de retard et ne sera jamais à temps au bureau. Sa mère veut lui rendre visite mais il peine à se rendre à la porte. Sa soeur, Grete, est aussi à la porte. Son patron, qui le trouve plutôt inefficace depuis quelque temps., se pointe aussi. La voix de Gregor est aussi changée et reste incompréhensible, animale. Quand la porte ouvre enfin, tout le monde est stupéfait. Sa mère s'évanouit, le patron se sauve, horrifié. Sa soeur ne l'a pas vu. Gregor est crevé de forcer simplement pour se mouvoir, s'endort. Le lendemain, plus personne, mais on a laissé du lait et du pain, pour lesquels il ne se trouve aucun goût. Il se cache sous un divan. Sa soeur vient remplacer le lait par des restes, qu'il mangera avec bonheur. Sans qu'elle le voit. Gregor était le pourvoyeur pour que sa soeur entre dans une école de musique, son rêve. Il ne peut plus rien. Il se console en découvrant l'escalade des murs et des plafonds. Sa soeur découvre son état et s'en accommode. Les deux sont très proches l'un de l'autre.
Maman perd toujours connaissance et papa tire des pommes en direction de l'insecte, dont l'une le garde prisonnier pendant un mois. Et le blesse sérieusement.
De nouveaux locataires investissent l'appartement afin que les revenus que fournissaient Gregor ne cessent pas. Quand ceux-ci découvrent la vermine, ils menacent de quitter les lieux et de ne jamais payer si ils la revoient. Grete convainc ses parents que tout ça est trop difficile à vivre et les ruinera. Gregor se laisse donc mourir.
Sa mort est un soulagement pour la famille qui changera de lieu d'existence. On découvre une nouvelle beauté à Grete, qu'on voudra maintenant marier.
Comme la plupart des romans de Franz Kakfa, il y oppose religieux et psychologismes. on y suit aussi encore deux personnages (Gregor et sa soeur) qui pourraient être deux côtés d'une même personnalité. Franz écrivait souvent deux personnages, l'un plus refoulé, l'autre animé et plein d'enthousiasme. Sa propre bipolarité est potentiellement probable. La transparence de son style, pas extrêmement sophistiqué, assez simple, souligne la richesse du côté sombre de sa narration et du monde fantastique dans lequel il nous plonge.
La métamorphose, selon certain, serait le fruit d'un avilissement professionnel, guidé par l'idée du succès, des responsabilités, des possibilités d'avancement, et par la peur de ne pas réussir dans la vie. Il s'agirait d'une créature née de la vie professionnelle et de ses impossibles objectifs.
Bleak, disent les chinois.
Certains ont aussi pensé que Kafka nous jasait de lèpre et d'inefficacité quand on est malade. Ce que Kafka était très souvent. (il meurt de faim, en train de se faire guérir de fièvre tuberculose à 40 ans).
Le grotesque et le tragicomique m'ont toujours plu. Kafka livre beaucoup ici dans le domaine.
Notre lecture obligatoire avait été l'incomplet Château. Nous avions vu en film The Trial, d'Orson Welles. La métamorphose était un choix personnel. Que j'avais mieux aimé encore.
La mise à mort d'un incapable, mis en parallèle d'une jeune fille qui prend vie, et s'épanouit.
Subtile mise en abîme.
Ou déploiement d'une nouvelle personnalité du troublé auteur.
Lecture de nuit.