Denis Mériaux : "Une B.O. de film est un travail complet et exigeant !"

Tour à tour graphiste, peintre, illustrateur et blogueur passionné, à l'origine du site ArtDesignBy, Denis Mériaux est aussi un compositeur de talent. Il vient de signer la B.O. du second long-métrage de son ami Martin Valente, "Fragile(s)", en sortie nationale à travers la France à partir du 20 juin. Cet infatigable touche à tout revient sur son parcours et, plus particulièrement, sur cette collaboration avec le réalisateur des "Amateurs".
Titus - Denis, j'aimerais que l'on parle un peu de l'enfant que tu étais... On l'imagine très porté vers les arts, est-ce que je me trompe ?
Enfant j'étais déjà très créatif, je dessinais beaucoup, je construisais des tas de choses, les Lego évidemment. A la grande surprise de mes parents, je passais mon temps à reproduire ce que je voyais : cathédrales, avions, voitures... Pour ensuite déconstruire et m'approprier de nouvelles formes. J'ai aussi démonté beaucoup d'appareils ménagers, au désespoir de mon père, d'ailleurs. C'est lui, mon père, qui m'a enseigné l'art de la construction, il était ingénieur, on bricolait beaucoup ensemble. Je me suis mis à la peinture très tôt, La musique est venue au moment de l'adolescence.
Titus - Quel parcours as-tu suivi ?
Classique jusqu'au bac, un grand lycée (Lycée Hoche) à Versailles, où j'ai passé toute ma jeunesse. Dès la seconde, j'ai rêvé d'arts plastiques... En parallèle, j'avais monté un groupe de musique (JDC); j'étais à la guitare, on a fait quelques concerts, j'en ai gardé des traces (ouf !) assez inaudibles maintenant ! J'avais déjà l'envie de m'exprimer autrement et de me démarquer d'un parcours classique. Après le bac, j'ai fait une école d'arts appliqués, l'ECV Paris, qui m'a préparé à devenir DA/graphiste.
Titus - Quel métier rêvais-tu d'exercer étant jeune ?
Bizarrement, ni pilote d'avion, ni coureur automobile... Mes parents avaient une maison de campagne en Beauce, du côté de Chartres, j'y passais tous mes étés et, de temps en temps, avec un dénommé Martin Valente, mais j'en reparlerai plus tard. Donc, la Beauce c'est plat, des champs à pertes de vue, des exploitations tellement immenses... Les agriculteurs là bas sont milliardaires ! Je passais donc mes étés sur des tracteurs et des moissonneuses batteuses, ça me faisait rêver... Je voulais devenir comme eux (d'excellents souvenirs de moissons)...
Titus - Les internautes qui connaissent ton site ArtDesignBy ont appris à voir en toi un amateur d'arts, notamment plastiques... Quelle fut l'idée à l'origine de ce blog ?
Comme je l'ai dit, ma formation de base est graphiste, j'ai derrière moi 12 ans de free lance, ayant fait beaucoup de peintures et d'illustrations, ne vivant pas encore de ma musique, j'ai voulu réunir tout mon savoir-faire dans une entreprise, Artdesignby (peintures numériques imprimées sur toiles). En parallèle de la boutique, j'ai pensé à monter un blog, au départ pour faire connaître ma jeune société... Les rencontres aidant, j'ai personnalisé ce blog de plus en plus, en laissant de côté le versant commercial, je ne le regrette pas.
Titus - Quel bilan tires-tu de cette expérience ?
Super, incroyable ! C'est venu à point nommé : j'opère un changement de vie radical depuis deux ans; je suis revenu habiter sur Paris, le blog me fait rencontrer en virtuel et en vrai, des gens formidables. Je pense là (rencontres en vrai...) à Magwann, Benoît, Katy, Ladyblogue, Laguerrière, Mandor, Mry, Léna, Frogita... Et pour certains, qui deviendront certainement des amis. Et pour le reste, un réel partage du savoir et des informations, je ne peux plus m'en passer !
Titus - J'ai récemment découvert que tu étais aussi musicien et compositeur. Quel est ton instrument fétiche ?
Mon instrument de base est la guitare, j'ai reçu une formation de guitariste classique, en cours particuliers, puis à l'adolescence, j'ai tout lâché; je ne voulais plus des cours de solfège, il me fallait une approche intuitive de la musique. Ma formation de compositeur est complètement autodidacte. Je compose depuis l'âge de 13 ans, dans un style pop-rock, avec maintenant des mélanges électro et ambiant (Brian Eno, Air).
Titus - S'il fallait évoquer des influences ou des gens qui ont beaucoup compté dans ton éveil musical, quels seraient-ils ?
Mon premier éveil à la pop est sans aucun doute les Beatles : simplicité des mélodies, efficacité du son et recherches créatives avant l'heure ! J'ai eu ma période "hard rock" (courte) avec AC/DC, Motorhead, Deep Purple, etc., pour les fondamentaux de la guitare électrique. Puis est venu le temps de la contestation "passive", babacool, quoi; j'écoutais Janis Joplin, Jefferson Airplane, Velvet underground, Leonard Cohen, etc. Après, j'ai pris de partout, mais principalement du côté de Bowie, U2, Peter Gabriel, Brian Eno... Et, enfin, dans la techno, le rap et l'ambiant (pour les nappes et les FX).
Titus - Tu nous as parlé tout à l'heure de tes débuts au sein du groupe JDC. Qu'est-ce qui t'a amené, par la suite, à évoluer vers un parcours en solo ?
J'ai commencé au sein d'un groupe, pendant dix ans. Après le bac, les trajectoires se sont séparées... J'avais en même temps l'envie de créer de bout en bout, sans intervenants extérieurs, sans luttes de pouvoirs inutiles, pour exprimer le maximum de choses.
Titus - Quelle est la réalisation artistique dont tu es le plus fier aujourd'hui ?
Ma fille... Non, je plaisante, évidemment la musique de Fragile(s), qui est pour l'instant l'aboutissement de 20 ans de travail. Une B.O. de film est un travail très complet et exigeant.
Titus - Avais-tu déjà écrit pour le cinéma avant cette collaboration pour "Fragile" ?
Oui, pour le premier film de Martin Valente : "Les Amateurs", avec François Berléand et Lorànt Deutsch, mais la part de la musique originale était moins importante.
Titus - Comment est née cette collaboration ? Tu nous as laissé entendre tout à l'heure que tu étais un ami de Martin Valente ?
Oui, ce n'est pas un secret, je connais Martin depuis l'enfance, on est "frères d'adoption" ! Même éducation, même culture, même univers. Nous avons toujours eu des trajectoires parallèles, lui d'abord dans l'écriture (théâtre, essais, livres, scénarios) et moi dans la musique, le graphisme, la peinture. J'ai fait toutes ses musiques depuis le début, (documentaire, court métrage, film). Nous avons une même exigence en commun, et une vraie liberté de ton et d'action. Si ma musique ne lui plaît pas, il me le dit, c'est quelqu'un de très impliqué dans le choix de ses musiques et il n'y pas de directeur musical sur le film, à proprement parler.
Titus - As-tu composé à partir des images du film ou d'après le synopsis du film ?
Voir un extrait du making of du film "Fragile(s)" :
Fragiles making of
envoyé par denis_music
J'ai commencé sur le pitch du scénario, nous en avons beaucoup parlé, j'ai ensuite travaillé à la lecture du scénario, sur les impressions, l'intuitif et le ressenti... La plupart des morceaux n'ont pas été composés par rapport aux images ! Les images ont servi de support, uniquement pour le calage à l'image près lors du montage.
Titus - Où et dans quelles conditions ont été réalisés l'enregistrement et le mixage ?
A la maison ! La particularité des films de Martin est qu'ils ne comportent pas de musique symphonique, pas d'orchestre donc. C'est un passionné de pop-rock, de batterie/basse/guitares. Pour Fragile(s), il voulait plus de nappes et d'ambiant, avec des mélanges de guitares saturées... J'ai pu donc tout gérer dans mon home studio, jusqu'au mixage final. J'ai fourni les masters au mixeur du film qui les a pris tels quels.
Titus - Es-tu satisfait du résultat ?
Oui, au-delà de mes espérances ! J'ai 70 % de la B.O. en durée totale, je ne pensais pas pouvoir tout gérer moi-même, le simple fait d'y être arrivé est une grande satisfaction pour moi. J'ai acquis, avec le temps, des compétences d'ingénieur du son qui me permettent d'aller d'un bout à l'autre d'un projet.
Titus - Quelle est ton impression du film ?
Le plus grand bien. Je ne l'ai vu que trois fois en tout, pour l'instant et, à chaque fois, je redécouvre des choses, c'est émouvant, drôle, et les acteurs y sont parfaits. Il faut dire que le casting est formidable : François Berléand, Marie Gillain, Jean-Pierre Darroussin, Jacques Gamblin, Caroline Cellier, Sara Martins. Ce sont des croisements de vie, six personnages en quête d'amour, un vrai film chorale, dans l'esprit d'un Gonzales Inarritu, d'un Paul Thomas Anderson ("Magnolia") ou d'un Olivier Assayas ("Clean"), car il y est beaucoup question de musique aussi...
Voir la bande annonce du film "Fragile(s)" :
Fragiles_bande_annonce
envoyé par denis_music
Titus - Tu es, je crois, également à l'origine du blog réalisé sur le film. Le blog semble devenu un support de premier choix pour accompagner la sortie d'un livre, d'un disque ou d'un film... Confirmes-tu que cela a un impact réel ?
Je ne peux pas te répondre pour l'instant, nous sommes à quelques jours de la sortie salle, en tous cas nous partageons beaucoup de choses avec les blogueurs, et c'était le but premier de ce blog. Pour la petite histoire, et comme je l'ai dit, mon métier de base est graphiste, je réalise donc des sites internet, c'est tout naturellement que j'ai fait celui du premier film, "Les Amateurs", pourquoi me direz-vous, tout simplement dans un soucis de responsabilisation du suivi de l'oeuvre. Aujourd'hui, Internet offre aux artistes un moyen incroyable de se prendre en main, le blog était donc la continuité logique. Martin désirait faire partager son expérience à travers un journal, que nous avons appelé carnet de route et ce, dès le début. Dans la production de film, pas mal de choses échappent au réalisateur. Tenir ce journal était un moyen de garder contact avec le réel et d'avoir un retour sur chaque étape de la réalisation du film. En ce sens nous avons été précurseurs, ça n'avait jamais été réalisé auparavant. Je pense donc que cela a un impact réel, nous sommes en plein dans la promo, le blog nous sert maintenant de vecteur de communication. C'est aussi vrai pour le disque. Tu le sais, je fais aussi des chansons, je prépare un blog là-dessus, pour bientôt. Le disque est "mort", aujourd'hui, les gens achètent les morceaux à l'unité pour se composer leur propre playlist. On connaît MySpace; personnellement, je préfère le blog, qui permet le même mode de diffusion, qui permet aussi de vendre ses morceaux et, surtout, un véritable échange sur le contenu.
Titus - Le film a été présenté aux blogueurs à Paris le 13 juin. Peux-tu nous raconter cette soirée ? Comment le film a-t-il été perçu ?
Voir le petit film réalisé par Denis Mériaux sur cette soirée du 13 juin, à l'Entrepôt, à Paris :
Avant Première entrepot du 13 Juin
envoyé par denis_music
Le 13 juin, 180 blogueurs avaient été réunis à L'Entrepôt, à Paris. Ce n'était pas la première avant-première : il y a eu toute une tournée en province depuis 15 jours. La "projo blogueurs" s'est très bien passée, avec beaucoup de questions après... Il faut dire que l'endroit s'y prête bien, et que l'organisation (MRY et avant-premières.net) ont fait un excellent travail...
Titus - Le film est prévu en sortie nationale le 20 juin. Sera-t-il bien distribué à l'échelle du pays ?
Le film sera présent sur toute la France, distribué dans 200/250 salles, je n'ai pas le chiffre exact, et projeté dans les salles UGC, Gaumont, MK2, etc.
Titus - Plus généralement, quels sont les principaux projets du touche-à-tout que tu es ? Dans quels domaines penses-tu être le plus actif au cours des prochains mois ?
Je suis en train de recentrer mes activités, musique et peinture numérique (allez voir la boutique, je suis en train de refaire l'interface et notre gamme de prix revue à la baisse). j'arrête le free lance progressivement, je donne aussi des cours en attendant. Mon objectif principal est maintenant de travailler pour d'autres réalisateurs. Si le film marche, nous irons à coup sûr aux "Césars" ! Dans le cas d'un prix pour la musique, cela m'ouvrira d'autres portes, je relance aussi mes chansons, je vais écrire pour les autres...