Le journal de Charles-Félix-Pierre Fesche a déjà fait l'objet d'une première publication en 1929. L'éditeur, Nicolas Chaudun, a choisi de ne retenir ici que la partie tahitienne de son récit, de loin la plus savoureuse. Ce Journal de navigation "pour servir à moi" semble nourri d'une belle franchise, à la différence peut-être des récits de certains de ses compagnons de voyage (ceux de Vivès, Constantin ou Commerson notamment) à la différence desquels, selon l'éditeur, Fesche "n'avait ni compte à régler ni réputation à sauvegarder".
à bord de La Boudeuse
A la lecture de certaines pages d'une sensualité torride, on comprend que Bougainville ait choisi de donner à Tahiti le nom de "Nouvelle Cythère", en référence à la patrie mythologique des amours... Alors que La Boudeuse vient de jeter l'ancre, le jeune Fesche raconte la montée à bord d'une jeune indigène provenant de l'une des pirogues ayant rapidement encerclé la frégate. Jugez-en plutôt : "Plusieurs Français gourmets et à qui un jeûne forcé de plusieurs mois donnait un appétit dévorant s'approchent, regardent, admirent, touchent ; bientôt le voile qui dérobait à leurs yeux les appâts qu'une pudeur, blâmable sans doute, ordonne de cacher, ce voile, dis-je, est bientôt levé, plus promptement il est vrai par la divinité indienne elle-même que par eux. (...) Quel pinceau pourrait décrire les merveilles que nous découvrons à la chute heureuse de ce voile importun ? Une retraite destinée à l'Amour lui seul ! Un bosquet enchanteur que ce Dieu avait sans doute lui-même planté."
"Tahiti au nom du roi", 1768, Bougainville débarque à Papeete, par Charles-Félix-Pierre Fesche, Edtions Nicolas Chaudun. Diffusion : Actes Sud. Juin 2007. 7 €.
Illustration : détail de "Et de l'or de leurs corps", par Gauguin, 1901, Musée du Louvre (Paris).