Très critiqué à l'époque, ce roman autobiographique doit être lu, porté au regard de tous car il rappelle que Zelda, comme beaucoup de femmes, a passé trop de temps dans l'ombre de son mari.
Quatrième de Couverture
Accordez-moi cette valse est un roman autobiographique dans lequel Zelda Fitzgerald a transposé sa vision toute personnelle de son mariage avec Scott Fitzgerald. Elle y apparaît elle-même sous le nom, à peine voilé, d'Alabama Beggs, incarnation de ces belles du Sud dont elle était une parfaite représentante. Son mari y figure, lui, sous le nom de David Knight. Écrit en "six furieuses semaines", le manuscrit fut accepté d'emblée par Maxwell Perkins, le propre éditeur et ami de Scott Fitzgerald chez Scriber's. S'il fut boudé par la critique à sa parution, le livre a été réhabilité lors de sa réédition au début des années 1950. Ce portrait d'un homme doué qui s'autodétruit, enfin apprécié à sa juste valeur, est désormais considéré comme une œuvre "puissante et mémorable" (le Times Literary Supplement) dont les personnages et leurs actions - tragiques - contrastent magnifiquement avec le cadre de cette Côte d'Azur ensoleillée où ils évoluent. Au-delà de cette peinture d'une époque et de ses personnages, Accordez-moi cette valse est aussi, et peut-être avant tout, un grand roman d'amour.
Mon avis
Alabama Beggs est une jeune fille excentrique, à l’esprit vif et avide de croquer la vie à pleines dents. Elle se lasse rapidement des prétendants qui gravitent autour d’elle, tels des moustiques attirés par la lumière éclatante qu’elle dégage, jusqu’à ce qu’elle rencontre David Knight, peintre de talent au succès grandissant. Ils se marient et se lancent ensemble à la conquête du monde, brûlant leur argent et leur jeunesse dans les fêtes et les extravagances.
Leur vie n’est que mondanités et excès, au cœur de New York. David a besoin d’un nouveau souffle artistique tandis qu’Alabama s’épuise de leur vie : ils partent alors pour la France avec leur petite fille à une époque où ma valeur du dollar leur permet de vivre luxueusement. Leur nouveau rythme de vie, dans le sud, les ennuie progressivement et Alabama trouve un second souffle à travers le regard d’un autre homme qui la fait à nouveau se sentir importante, désirable, vivante. David s’en rend compte et enferme sa femme chez eux. Ils finissent par partir à Paris où leur relation va encore se dégrader. Ils forment une équipe mais ne jouent plus réellement ensemble : ils assurent leur part chacun de leur côté.
Accordez-moi cette valse raconte finalement l’histoire d’un couple où deux jeunes adultes se construisent à travers le temps, apprennent à accepter que la passion peut finir par s’étioler et que deux êtres entiers peuvent difficilement briller ensemble, en même temps. C’est Alabama ou David mais l’art n’accepte pas que l’un brille sans que l’autre ne soit dans l’ombre pour le soutenir vers la lumière. Et c’est le rôle qui est destiné à Alabama en premier lieu, en tant que femme d’artiste puisque c’est ainsi qu’elle est présentée au monde.
Alabama et David s’aiment mais ils finissent par s’éloigner pour être pleinement eux-mêmes, chacun de leur côté. Ce qu’ils dégagent est trop intense pour ne pas les brûler s’ils brillent ensemble. Alabama grandit au fil des pages mais cette évolution semble ne devoir passer que par des épreuves plus dures les unes que les autres. Elle doit tomber pour se relever, elle doit souffrir pour trouver un nouveau souffle.
Puis, finalement, le couple revient sur ses pas et atteint la maturité, l’âge auquel ils regardent leur ancienne vie palpitante avec mélancolie et comprennent que l’heure est à l’apaisement. Seulement, cet apaisement ne semble pas être une bonne chose pour Alabama : à travers son regard, on comprend que ses jeunes années sont terminées et que la sagesse forcée est arrivée. Le temps des excès doit cesser pour enfin se ranger et se lancer dans les traces de ses parents, pour élever sa fille qui se construit déjà sans elle et être un exemple de droiture et surtout solide.
Zelda Fitzgerald nous offre ici sa version de son histoire avec F. Scott Fitzgerald, dans un style unique, saccadé par moment, fait de descriptions étranges mais étonnamment parlantes. La narration est imprécise et montre à quel point ce roman est surtout une transposition de ses propres souvenirs, de sa propre vie. Certains faits s’enchainent avec logique, d’autres semblent être remontés en surface pile au moment de poser la plume sur le papier, donnant un ensemble parfois déroutant mais beau dans son genre.
Le cheminement d’Alabama est difficile et sa conclusion bouleversante, ce qui laisse imaginer l’état dans lequel était Zelda Fitzgerald au moment où ses troubles schizophréniques prenaient racines en elle.
Accordez-moi cette valse montre une nouvelle fois à quel point le rôle de la femme n’était pas simple dans les années 20, à quel point Alabama a fini par souffrir de la position de son mari parce que c’était lui qui brillait artistiquement. David n’essayait pas toujours d’être au-dessus de sa femme, il l’a même soutenue dans ses rêves mais à distance, pas sous le même toit, pas devant un même public. Ils devaient se diviser pour pouvoir briller tous les deux et c’est toute la tragédie de leur histoire. C’est un écho avec notre société actuelle où on attend encore des femmes qu’elles positionnent aussi souvent que possible leur vie de famille au premier plan, au détriment de leur carrière.
Accordez-moi cette valse est une histoire qui bouleverse à travers le combat mené par Alabama contre elle-même, contre son couple, pour son couple, pour sa vie.
« Une fois il avait dit : « S’il te faut absolument choisir, alors choisis d’être une déesse. » C’était quand elle avait voulu n’en faire qu’à sa tête. Mais ce n’était pas facile d’être une déesse loin de l’Olympe. »