Michele Serra est un chroniqueur très apprécié en Italie. Il écrit un papier chaque jour dans la Repubblica, chronique intitulée « Amaca », Hamac. L'amaca est courte, simple et souvent amusante.
Traduction par mes soins de l'amaca du 19 novembre 2017, quelques mois avant les élections qui ont amené les partis populistes en tête. J'aime bien la chute.
Hier matin, le caissier du supermarché était furieux.
Il disait à haute voix que “maintenant on allait tous les renvoyer à la maison, « ces cochons ». Il le disait à une paire de collègues avec force voix et regards devant quelques clients atterrés – comme s’ils n’étaient pas là d’ailleurs - et les collègues répondaient par un crépitement de gros mots utilisés comme ponctuation, « bien sûr, renvoyons les à la maison. Les Cinque Stelle vont arriver et on les renvoie tous à la maison. »
J’ai pensé à l’explosion, brutale mais légitime, d'un homme de 40 ans qui gagne un salaire de misère pour un horaire infernal, avec un petit job en CDD. J’ai pensé à la frustration économique, j’ai pensé, en fait, à la politique. Toujours respectable la politique, même quand elle prend les manières brusques de ce garçon terne qu'on a rendu méchant.
Je me trompais. En sortant, j’ai vu le caissier prendre une amende sur le pare-brise de sa voiture mal garée (très mal garée) et la secouer furibond. La raison de sa furie était donc que « ces cochons » (le flic, le gouvernement, l’Etat, le Maire, l’Italie, le Pouvoir, peut importe qui ou qu’est-ce) avaient osé lui coller une prune parce que mal garé.
Il n’y a pas de parti (Cinquestelle, Gauche, Droite) en capacité de gérer un tel peuple.