Où il est question d'attentats, de grève, d'injustice, de racaille, de fatigue.
Et de Macron.
Louis XVI et Marie-Antoinette
Il râle contre la vétusté du court de tennis de la Lanterne, ce château laissé à disposition des premiers ministres que deux présidents - Sarkozy puis Macron - ont transformé en résidence secondaire, à deux pas du Château de Versailles. Marie-Antoinette, aka Brigitte la première dame s'invite chez quelques agricultrices, à Lanfains, dans les Côtes-d'Armor: ça fait "peuple". La visite est si discrète que Tristan Bromet, chef de cabinet de Brigitte Macron, se dépêche d'en publier quelques clichés sur Instagram.
Le couple présidentiel est ainsi, tout en contradiction permanente: des clichés savamment préparés pour propager l'image d'un couple "proche" du bon peuple, tandis que quelques fuites rappellent régulièrement leurs caprices monarchiques. Il n'est même pas certain que Macron réalise qu'il s'agit d'une contradiction. La France d'en haut n'a pas ce genre de préoccupation.
C'est une normalité assumée.
Cette semaine, Macron est surtout ailleurs. Il parle francophonie, fait des selfies en direct sur Twitter et converse avec Angela Merkel sur la Grande Europe. Merkel, Macron et Lay continuent leur cirque contre l'autocrate Poutine, tout en restant étrangement silencieux sur les massacres de rebel(le)s et civil(e)s kurdes par l'allié islamiste Erdogan.
Alors qu'il chute dans les sondages, Emmanuel Macron parvient encore à diviser les oppositions pour mieux conduire sa politique de classe au service d'une fraction déjà privilégiée du pays. Cette semaine, la fameuse "convergence des luttes" s'est presque cristallisée. Et la Macronista a fait feu de tout bois pour contrer ce front uni naissant.
Jeudi, anniversaire d'un autre 22 mars cinquante ans plus tôt, une journée de grève et de manifestations rassemble des centaines de milliers de personnes dans les rues ou dans la grève. Retraités, personnels d'Ehpads, ou d'hôpitaux, enseignants et cheminots: la grève, là ou elle peut l'être, est très suivie et paralyse une partie du pays.
Une part croissante, majoritaire d'après les sondages, juge la politique macroniste injuste, doute de son efficacité économique et persiste à penser qu'il n'agit que pour les plus riches.
Mais Jupiter n'en a cure. Il applique son programme, dans sa version officielle et sa version cachée. Et qu'importe qu'une infime minorité ait vraiment choisi ce programme en 2017.
Les mensonges
"Noblesse du rail" braille Brice Couturier, un éditocrate macroniste que la République généreuse défiscalise par ailleurs au nom de la liberté d'informer, pour qualifier les cheminots. Sur France Culture un vendredi soir lendemain de manifestation et de grève, l'homme ose appeler à "l'égalité réelle" pour justifier les coups de canifs dans les avantages d'une profession. Attaquer les cheminots n'est pourtant pas l'angle d'attaque de la Macronista. Cet éditocrate s'emporte.
Les éléments de langage du clan Macron sont répétés sur toutes les ondes. Ils sont publiés par le Media. Ils se résument en deux arguments: ne pas attaquer frontalement les grévistes et leurs soutiens; et nier la portée des réformes en cours. Ainsi, il ne s'agirait pas de "casser la fonction publique", ni de "remettre en cause le statut des fonctionnaires".
On préfère insister sur la nécessaire transformation des services publics pour les "améliorer". Par un curieux raisonnement, le constat partagé de services publics étouffés par le manque de moyens face aux besoins souvent croissants de la population débouche sur l'argument macroniste qu'il faut couper, réduire, voire privatiser.
Prenez la SNCF.
1. La réforme de la SNCF n'est pas une promesse de campagne. Au courant de la mise en concurrence du rail français, Macron a caché ce point. C'est un mensonge (électoral) par omission, rien de moins.
2. La réforme de la SNCF ne vise à résoudre les problèmes de service du rail mais à préparer l'entreprise à l'ouverture à la concurrence: "La transformation en société anonyme est imposée par la réglementation européenne, si on veut des conditions de concurrences équitables. Les cheminots vont faire des efforts" explique Louis Gallois, l'ancien PDG de l'entreprise. Combien de citoyen(ne)s sont convaincus qu'une mise en concurrence des trains va améliorer le service public ? Pourquoi donc cette question n'a-t-elle pas été posée en premier ? Elle est pourtant simple à comprendre, et ferait l'objet d'un joli débat. Là aussi l'hypocrisie macroniste est évidente. Dans son édition du 21 mars, premier jour du printemps, le Canard Enchaîné révèle que Matignon a caviardé un passage de l'entretien de la ministre des transport Elisabeth Borne aux Echos où elle estimait probable qu'il y aurait des plans sociaux à la SNCF après la réforme.
3. Enfin, il ne s'agit pas non plus pour le gouvernement d'uniformiser tous les statuts et conventions collectives du pays. Au contraire, Macron choisit ses cibles et cherche à éviter la constitution de fronts communs. La réforme des retraites, par exemple, a été repoussée à 2019.
Oser parler "d'égalité réelle" l'année où Jupiter plafonne l'imposition des revenus du capital à 30%, les rendant par là-même plus attractif que ceux du travail est cocasse, et grossier.
Oser parler "d'égalité réelle" quand la réforme de la SNCF ne traite pas des astreintes de week-ends, de nuit ou de jours fériés du personnel ? Oser parler "d'égalité réelle" quand Macron cible une poignée d'avantages pour mieux les désigner à la vindicte populaire est à peine surprenant.
Face au mouvement de protestation de la Fonction publique, le double discours macroniste est confondant d'hypocrisie. Sur les ondes, la députée LREM Amélie de Montchalin martèle: "nous, on concerte, on négocie, on agit".
Monchalin ment, et répète ses mensonges. Concertation ? "La convention collective à la SNCF, cela fait deux ans qu’on en discute et que la direction bloque" explique un représentant du personnel. Pire, ce n'est pas l'annonce de 70 réunions, comme pour la loi Travail qui change grand chose. Dès la publication du rapport Spinetta, Macron a prévenu qu'il procèderait par ordonnances pour limiter le débat parlementaire sur le contenu de la loi et, surtout "encadrer la durée de la grève" a-t-il confié à ses conseillers. Négociation ? Les points ouverts à la négociation sur la SNCF sont minimes. Le gouvernement a prévenu qu'il ira jusqu'au bout. Il ne comprendra que le rapport de forces. De Bruxelles, Jupiter contredit d'ailleurs sa jeune groupie: ces mouvements sociaux "ne sont pas de nature à conduire le gouvernement à revenir sur ce qui a commencé à être mis en œuvre."
Fâcheuse coïncidence, l'INSEE confirme la baisse du pouvoir d'achat des Français au premier trimestre le jour où le ministre des Comptes publics tweete fièrement qu'il vient de signer le décret qui augmente de 30 euros par mois le minimum vieillesse. Gérald Darmanin n'a pas fait la même publicité lorsque sa loi de finances a rendu 150 000 euros d'ISF annuels en cadeau à quelque 350 000 foyers aisés.
Sarko la bavure
Jupiter est paraît-il suractif. Il ne s'est pourtant pas agité pour renforcer les moyens de la justice ni la rendre plus indépendante du pouvoir politique. Mardi, deux jours avant le mouvement du 22 mars, Sarkozy chipe la vedette aux grévistes. Il était prévenu depuis le 7 février qu'il passerait à la casserole de l'interrogatoire. Il passe 48 heures en garde à vue pour des soupçons de financement illégal de sa campagne de 2007. Président, il avait bloqué l'enquête sur ces faits révélés par Médiapart en 2010. Que le temps judiciaire est long, faute de moyens et d'indépendance. Sarkozy sort du bureau des juges avec une mise en examen qui vaut déjà condamnation par son triple intitulé: "corruption passive et financement illégal de campagne électorale" et "recel de détournement de fonds publics libyens". Mais il a un traitement de faveur. Dès le soir, il a les honneurs du premier JT du pays.
"Je pourfendrai cette bande, je ferai triompher mon honneur et je n’ai pas l’intention de céder un centimètre de terrain à cette bande." Nicolas SarkozyQuelques jours avant cette séquence outrancière
Le Parti médiatique se félicite du travail d'investigation de Mediapart qui a permis à la justice d'avancer, il a raison. Mais ne nous trompons pas. La carrière politique de Sarko est terminée. Sarkozy est depuis longtemps un épouvantail facile dont les excès n'amusent plus. Sarkozy est de l'histoire ancienne.
Il est une autre campagne dont le financement nous intéresse, celle d'Emmanuel Macron. La Commission des comptes de campagne a préféré ouvrir ses dossiers à la presse sur les comptes de celle de Mélenchon uniquement, qui pourtant a dépensé 7 millions de moins.
Daech dans nos campagnes
Vendredi, un jeune franco-marocain, fiché au FSPRT (fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste) et ex-dealer, attaque et tue au nom d'Allah dans l'Aude. Un automobiliste, puis l'employé et un client de Super-U à Trèbes, et enfin un officier de gendarmerie qui s'était proposé en otage pour libérer les civils. Ce dernier, un héros français, meurt de ses blessures le lendemain.
On imagine bien sûr que la menace d'une déchéance de nationalité l'aurait découragé de commettre cette attaque (#lol).
L'émotion est forte, immense, a-politique, parfois silencieuse.
Les hommages pleuvent, de droite comme de gauche, des syndicats de magistrats aux organisations de policiers, des officiels et des civils, des députés macronistes, LR, socialistes, insoumis, ou communistes.
Sauf chez quelques racailles des réseaux sociaux: on lit des tweets immondes, tantôt chez l'extrême droite furibarde, tantôt chez quelques islamistes français, et même chez quelques soutiens officiels de la Macronista ou vague suppléant FI rapidement exclu. La fachosphère lance l'attaque contre l'islaaaaaam. De l'autre côté, quelques barbus des réseaux sociaux amalgament pour brailler contre les amalgames. Plus surprenant, quelques soutiens bien officiels de la macronista dérapent, dérivent.
Cette indécence en cascade, alors que l'hommage aux morts mériterait silence et recueillement est triste comme une victoire des cons.
On se demande quel sens trouvent certains à rager ainsi sans retenue. Il suffit parfois d’un attentat pour que certains partent en vrille. Et cette fois-ci, au début du printemps, ils sont nombreux.
Emmanuel Macron n'est pas tombé dans ce piège. Certains de ses soutiens éructent.
Le terroriste est certes un cliché ambulant: musulman bien sûr, mais aussi bi-national et délinquant. Cette racaille a blessé à mort un lieutenant-colonel de gendarmerie, Arnaud Betrame, qui s'était proposé comme otage pour libérer des civils.
Le gendarme meurt samedi de ses blessures.
Daech vient de créer le premier martyr français.
N'est-ce pas la nouvelle la plus importante ?