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Aux sources de la liberté économique, conférence du Pr Lehmann, à la Société de Lecture

Publié le 23 mars 2018 par Francisrichard @francisrichard
Pierre Bessard

Pierre Bessard

Hier soir l'Institut Libéral avait invité Paul-Jacques Lehmann, professeur émérite à l'Université de Rouen, à donner une conférence sur le thème: Aux sources de la liberté économique, à la Société de Lecture de Genève, lieu mythique qui fête cette année ses deux cents ans d'existence.

Dans son mot d'introduction, Pierre Bessard, directeur de l'Institut Libéral, rappelle que la liberté économique est bien malmenée de nos jours avec les attaques répétées contre le libre-échange, avec les intérêts négatifs imposés par les banques centrales, avec la sur-réglementation qui sévit partout et l'émission de  monnaie malsaine.

Peut-être faut-il retourner aux sources pour comprendre la nécessité de la liberté économique. Et le professeur Lehmann, qui a publié l'an passé un livre intitulé Les fondements du libéralisme économique aux éditions ISTE, est certainement à même d'y conduire savamment ceux qui le lisent ou qui l'écoutent.

Paul-Jacques Lehmann

Paul-Jacques Lehmann

Paul-Jacques Lehmann parle en effet dans son livre de 50 économistes qui sont à l'origine de la pensée libérale en France, 43 Français et 7 étrangers, dont 2 Suisses, parmi lesquels Benjamin Constant, qui n'est pas à proprement parler un économiste mais pour lequel la liberté économique est liée à la liberté politique.

L'auteur s'est intéressé à ces auteurs par esprit de contradiction. Il avait lu Milton Friedman et étudié le monétarisme à une époque où le keynésianisme régnait, ce qui l'avait amené à prendre connaissance avec la pensée libérale. Il avait alors découvert qu'elle n'était pas l'exclusivité des anglo-saxons et qu'elle avait même des origines francophones. 

Son livre couvre une période d'un peu plus de deux siècles, de la naissance d'Anne Robert Turgot en 1727 à la mort de Clément Colson en 1939. Ce qui permet au lecteur d'appréhender l'évolution de cette pensée. Parmi les 50 auteurs, il y a un certain nombre d'économistes qui étaient jusqu'alors, pour l'auteur, de parfaits inconnus.

Comme il n'est pas question, pour des raisons de temps, de passer en revue tous ces économistes, le conférencier fait le choix de parler de ceux qu'il considère comme des auteurs importants. Mais, auparavant, il évoque la figure d'un libraire, Gilbert Guillaumin, qui éditera des auteurs libéraux et fondera Le journal des économistes.

Ce mensuel durera 73 ans, de 1840 à 1913. Il aura des contributeurs éminents tels que Léon Walras ou Frédéric Bastiat. Il sera dirigé notamment par Gustave de Molinari  et par Yves Guyot. Cette revue peut être qualifiée de bible de la pensée libérale et ses contributeurs ont été par la suite considérés comme les représentants de l'École de Paris.

Les toutes grandes figures, parmi les 50 qu'il a étudiées, sont pour Paul-Jacques Lehmann:

- Turgot, qui fut Contrôleur général des finances et qui promulgua, sans succès, l'édit de suppression des maîtrises et jurandes, c'est-à-dire des professions réglementées

- Jean-Baptiste Say, qui a théorisé la loi de l'offre et de la demande et qui est connu pour sa loi des débouchés: les produits s'échangent contre des produits

- Frédéric Bastiat, qui, ancien commerçant, a étudié les sophismes économiques et qui faisait preuve d'un humour dévastateur

- Pellegrino Rossi, qui fut professeur de droit constitutionnel en France et qui est l'exemple de la différence ténue qu'il y avait à l'époque entre le droit et l'économie

Les hommes, c'est bien, mais ce qui est intéressant ce sont leurs idées en matière d'économie, c'est-à-dire l'économie politique de ces libéraux, opposés au mercantilisme, pour lequel la richesse c'est la monnaie, et à la physiocratie, pour laquelle la richesse c'est l'agriculture.

Selon la conception de ces libéraux, l'économie politique est une science d'observation, qui s'intéresse aux échanges, c'est-à-dire à la loi de l'offre et de la demande, et à la spécialisation du travail qui permet à chacun de satisfaire son intérêt personnel.

Pour ce faire, la liberté est la condition, dans tous les domaines, son corollaire étant la responsabilité:

- liberté du travail et liberté des rémunérations à partir desquelles se créent les vraies richesses 

- liberté du capital, qui n'est rien d'autre que du travail accumulé et sans lequel il n'est pas de développement économique, d'innovation

- liberté sur la monnaie, dont le montant ne doit pas être fixé par l'État, ni par les banques centrales

- liberté des échanges, qui permet la formation des prix les plus ajustés possible, alors que le protectionnisme au contraire dévalorise le consommateur, favorise la hausse des prix, privilégie certains producteurs au détriment des autres

Cette liberté dans tous les domaines aboutit à l'existence de la propriété privée, qui en est l'une des conditions et qui est inattaquable parce qu'elle est due au travail et à l'épargne. Les libéraux ne s'offusquent pas qu'il y ait des inégalités: c'est le propre de l'homme.

Tous les libéraux ne s'entendent pas sur le périmètre de l'État, même si tous s'accordent sur son exercice des fonctions régaliennes:

- assurer la sécurité intérieure et extérieure

- empêcher l'injustice de régner

Ils condamnent en général l'intervention de l'État. Certains admettent toutefois - c'est le cas des économistes mathématiciens - qu'il intervienne dans de gros investissements.

Tous sont d'accord :

- sur l'équilibre budgétaire

- sur des dépenses publiques minimum: quand l'État commence à dépenser, il ne s'arrête jamais

- sur le rejet de l'impôt progressif

- sur la condamnation du socialisme, qui n'observe pas la réalité et qui construit des sociétés utopiques

- sur la réduction des inégalités par la charité privée qui responsabilise et non pas par la charité publique qui favorise l'augmentation des impôts et l'habitude de recevoir

En conclusion, il y a beaucoup de choses à redécouvrir chez ces auteurs, qui fondent leur analyse de la réalité sur la philosophie et sur l'histoire, et disent les mêmes choses, avec d'autres mots que ceux employés aujourd'hui:

- mondialisation au lieu de libre-échange

- précarité au lieu de misère

- État-providence au lieu de redistribution

Nombre d'auteurs libéraux contemporains reprennent à leur compte leurs arguments en les adaptant au nouvel environnement économique et aux nouvelles méthodes. Leur problème n'est pas tant de s'exprimer que d'être entendus...

Ces auteurs en effet n'ont pas à leur disposition en France de médias représentatifs de leur pensée, laquelle n'est enseignée ni à l'école, ni à l'université. Ne parlons pas des hommes politiques français qui brillent par leur absence à la défendre: tel ou tel politicien disant ne pas être socialiste n'est pas libéral pour autant...

Francis Richard


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