Critique de Notre Innocence, de Wajdi Mouawad, vu le dimanche 18 mars 2018 au Théâtre de la Colline
Avec Emmanuel Besnault, Maxence Bod, Mohamed Bouadla, Sarah Brannens, Théodora Breux, Hayet Darwich, Lucie Digout, Jade Fortineau, Julie Julien, Maxime Le Gac‑Olanié, Hatice Özer, Lisa Perrio, Simon Rembado, Charles Segard‑Noirclère, Paul Toucang, Étienne Lou, Mounia Zahzam, Yuriy Zavalnyouk, et , Inès Combier, Aimée Mouawad, Céleste Segard (en alternance), dans une mise en scène de Wajdi Mouawad
Je connais mal le travail de Wajdi Mouawad. Pour dire vrai, Notre Innocence est la première mise en scène de l’artiste que je vois, ayant raté Tous des Oiseaux qui a reçu nombre critiques dithyrambiques cet hiver. Je connaissais son travail plutôt à travers ses textes, et j’étais curieuse de découvrir ce que cela pouvait rendre sur scène. Bon, on ira quand même voir Tous des Oiseaux, hein…
Je suis assez attristée par ce que j’ai vu. Cela ressemblait à une grande caricature de ce qu’on peut faire de pire dans le théâtre subventionné. Il y a des « trucs » de mise en scène que déjà j’ai du mal à supporter lorsqu’ils sont isolés – l’effet choral, les comédiens alignés qui s’avancent un à un pour occuper l’espace, les projections des titres en gros plan sur le décor – mais lorsqu’on me présente un condensé de tout cela je perds rapidement patience. Alors j’essaie de me raccrocher désespérément lorsqu’un nouveau tableau se présente, mais à chaque fois se représente cette désagréable impression que l’on se fiche de moi…
Il faut me comprendre. D’abord, le spectacle s’ouvre avec une longue tirade d’une jeune fille. J’avais vu passer des avis négatifs sur les comédiens, je ne suis pas d’accord, elle parvient à bien saisir l’attention. Cela part bien. Puis elle est rejointe par 17 autres comédiens qui se placent autour d’elle de sorte à former un choeur. Et pendant une demi-heure, ils vont déclamer ainsi leur texte. Je reconnais la prouesse technique d’un tel ensemble, car les comédiens sont parfaitement synchrones. Mais je passe complètement à côté de l’intérêt d’une telle forme…
Peut-être aussi parce que le fond me déplaît profondément. Peu à peu monte en moi une révolte face aux propos que j’entends. Ce que je vois manque d’authenticité : Mouawad pense parler pour la jeunesse, je l’entends parler pour lui-même. Ce qu’il dénonce me paraît pour beaucoup empli de cliché ; les combats qu’il mène ne sont pas les nôtres. Je ne me revendique pas de cette jeunesse-là. Au contraire. Cela sonne faux. Cela sonne vieux. Quant aux 10 minutes passées à déclamer « Je sais pas » sur tous les tons… Est-il vraiment nécessaire d’en parler ?
Une fois cette chorale close, les comédiens se changent à vue. Le sens d’un tel acte me manque. Mais passons. Commence alors l’histoire à proprement parler : les personnages sont confrontés à la mort d’une des leurs, Victoire, qui s’est défenestrée. On les verra essayer d’enregistrer la réalité impensable, et face à cette nouvelle se transformer, cracher ce qui est en eux et connaît soudainement un besoin irrépressible de sortir.
Autour de la table qui trône sur le plateau, les comédiens crient beaucoup. Des tirades pas très intéressantes, encore quelques clichés, des sujets qui s’ajoutent et dont on a peine à comprendre l’apparition soudaine. La direction d’acteur ne permet pas de faire entendre un propos qui s’étiole. Vous l’aurez compris : je n’ai pas réussi à entrer dans cette partie non plus. Mais le pire fut peut-être le dernier thème, où la prétendue fille de Victoire fait son apparition dans une scénographie qui rappelle beaucoup la Cendrillon de Pommerat. Sauf qu’ici, l’enfant semble se demander autant que nous ce qu’elle vient faire ici. Si le jeu du miroir était complet, on la verrait bientôt en train de regarder sa montre, dans l’espoir que les 2h15 annoncées ont été resserrées depuis la première. N’y comptez pas.
Le prochain sera le bon ?