L'agence bancaire sans banquier

Publié le 22 mars 2018 par Patriceb @cestpasmonidee
L'avenir des agences dans les banques à réseau devient un sujet explosif. Quand certaines s'orientent vers une réduction plus ou moins drastique, d'autres, dont Bank of America, continuent à développer leur présence, en explorant les concepts qui pourront assurer la survie du modèle. Jusqu'à déployer des points de vente sans personnel.
Bien sûr, l'idée n'est pas nouvelle (par exemple, Bradesco, au Brésil, en présentait une déclinaison en 2012), mais face aux expérimentations des années récentes, Bank of America a ceci de spécifique qu'elle en fait un des piliers de sa stratégie. Ainsi, aux côtés d'implantations relativement classiques (mettant toutefois un fort accent sur l'équipement technologique), elle inaugurait, il y a quelques jours, à Chicago, la dernière en date de sa quinzaine d'agences dénuées de toute présence humaine « physique ».
Selon le récit du journaliste de Chicago Business, après avoir pénétré dans les lieux, le visiteur est accueilli par un agent humain… au travers d'un écran vidéo. Il lui propose alors d'accéder à tous les services habituels d'une agence bancaire – ouvrir un compte, souscrire un crédit, préparer un plan d'investissement… Pour l'ensemble de ces opérations, il dirige simplement le client vers une des cabines confidentielles afin d'engager une conversation avec un conseiller spécialisé… en visioconférence.
Bien qu'il puisse paraître extrême, ce modèle déshumanisé n'est finalement que l'aboutissement des réflexions qui agitent toutes les institutions financières aujourd'hui. D'une part, la priorité est d'inciter les clients à réaliser les transactions courantes par eux-mêmes, quitte à devoir les accompagner dans leur appropriation des outils mis à leur disposition dans ce but. Dans le même mouvement, l'agence doit devenir le haut lieu du conseil de proximité à forte valeur ajoutée, pour les projets « complexes ».
Or, d'évidence, la densité des réseaux bancaires, dimensionnée historiquement pour gérer la totalité des opérations, n'est plus adaptée à cette spécialisation : l'hypothèse d'une présence à demeure de toutes les expertises dans tous les points de vente n'est pas viable. Certains établissements répondent par des fermetures, d'autres par des mécanismes de mobilité géographique (pré-déterminée ou par rendez-vous) et Bank of America a fait le choix de « virtualiser » la présence de ses conseillers.
Malheureusement, cette approche est conçue pour résoudre le problème (de rentabilité) de la banque et non pour satisfaire les attentes des clients. En effet, si l'argument généralement admis pour justifier de maintenir un réseau physique est le besoin de relation humaine dans les décisions importantes, il n'est que partiellement couvert avec un échange en visioconférence. En outre, ce mode de communication ne devrait pas nécessiter de se déplacer : son accès depuis le domicile serait plus pertinent (au moins pour les personnes connectées, majoritaires dans un centre urbain tel que Chicago).
En conclusion, Bank of America cède aux démons traditionnels de la banque en focalisant ses efforts sur ses propres besoins et en faisant passer l'intérêt de ses clients au second plan. Certes, le devenir des réseaux d'agence constitue une problématique inextricable, aux enjeux considérables et multiples. Mais, dans le monde « digital » actuel, il est au moins une certitude absolue : les solutions devront être conçues d'abord et avant tout dans le but de mieux servir les clients (dans toute leur diversité, qui plus est).