L’exposition visible actuellement à la galerie Nery Martino à Paris met en lumière, si l’on peut dire, l’œuvre d’Horacio Garcia Rossi dont l’itinéraire personnel et collectif (avec le Groupe de Recherches d’Art Visuel) n’a eu de cesse de jouer sur cette question persistante de la couleur-lumière.
Horacio Garcia Rossi, Couleur électrique Lumière, 2010 Acrylique sur toile — 60 × 60 cm
L’art cinétique nous avait familiarisé, depuis plus d’une demi-siècle, avec le jeu infini de cette conjugaison entre le mouvement et la lumière. Au sein même du G.R.A.V, Julio Le Parc, Joël Stein, notamment, rivalisaient d’imagination pour mettre en scène les perturbations de la vision grâce à ces objets animés électriquement. Horacio Garcia Rossi, lui aussi co-fondateur du groupe, a effectué une recherche suivie sur l’instabilité lumière/mouvement, telle que les boîtes à lumière instable avec couleurs et motifs à manipuler et des structures lumière à couleurs changeantes. Comme d’autres artistes réputés dans le lumino-cinétisme (Grégorio Vardanega, Martha Boto), il aurait pu poursuivre sa recherche essentiellement dans cette direction. Mais, étonnamment, c’est dans son attachement à la peinture qu’ Horacio Garcia Rossi a trouvé sa voie personnelle pour tracer ce chemin de lumière.
L’écrivain et artiste Michel Seuphor, aîné de tous ces artistes issus de l’art construit, avait remarquablement révélé tout l’intérêt que présentait la « lacune » dans un dessin. Avec ces lacunes dans l’interruption du trait, Seuphor donnait naissance à un monde de formes, de lettres, de mots. Dans son cas personnel, jouant sur la multitude des plans colorés, Horacio Garcia Rossi créait la lumière dans cette lacune, simple trait ( peut-être ) non peint de la toile blanche. Et ce procédé nous donne à voir un tableau d’une incroyable luminosité. Avec ce jeu rétinien, nous appréhendons cette association entre la déclinaison des plans colorés et cette lumière jaillissante dont on peine à croire qu’elle puisse provenir de la seule blancheur de la toile.Dans son atelier, le peintre se livrait à un travail de grande précision, jouant avec les échantillonnages de couleur, cernant rigoureusement les bordures de ses traits avec quelques rubans autocollants.
Horacio Garcia Rossi, Couleur éléctrique lumière (destructurée), 2010 Acrylique sur toîle — 50 × 50 cm
« Cette couleur-lumière irradiante, expliquait-il, s’amalgame dans la rétine du spectateur en vertu d’un dosage rigoureux et contrôlé de tous les éléments qui composent cette recherche ».
Dans les œuvres visibles à la galerie, resurgissent à la surface du tableau les formes géométriques comme autant de rappels des origines de ce mouvement puisé aux racines du constructivisme que découvraient ces artistes argentins à Buenos-Aires avant de rejoindre la France. Quand, après trois semaines de navigation en troisième classe Garcia Rossi débarque au Havre en 1959, ce qui ne devait être qu’un séjour provisoire devient en fait le début d’une nouvelle vie en France. Cette aventure presque romanesque débouche alors finalement assez vite sur la révolution que le G.R.A.V. impose dans le paysage artistique parisien. C’est un art relationnel avant la lettre qui déborde largement du cadre du seul art cinétique pour ambitionner un nouveau type de rapport entre l’art et le spectateur.
Et cette révolution n’empêchera pas Garcia Rossi de retrouver les fondamentaux de la peinture avec cette lumière-couleur bien personnelle au-delà des créations de l’op-art initiées par Victor Vasarely.
Avec cet intérêt pour le mouvement rétinien ou réel et la lumière, comment ne pas s’intéresser au cinéma ? L’attachement culturel à cette histoire, Garcia Rossi l’a manifesté en créant des œuvres hommages : « Les lumières de la ville » , « Citizen Kane », « Rome, ville ouverte », « La règle du jeu« , d’autres encore.
En traversant ces années Lumière, Garcia-Rossi aura, avec la bonhommie et la sagesse du personnage, concilié les fondamentaux historiques du constructivisme et les audaces des turbulents amis du G.R.A.V.
Horacio Garcia Rossi
Couleur lumière
Du 17 mars au 19 mai 2018
Galerie Nery Marino
8 rue des Coutures
75003 Paris