Une étonnante bienveillance pratiquée autant à Droite qu’à Gauche et
essentiellement par les extrêmes des deux bords.
Le dithyrambique
communiqué du Front National suite à la victoire de Poutine en est un
exemple particulièrement révélateur : « Ce large succès électoral
confirme la stabilité et l'ancrage démocratique de la Russie, il témoigne de la
volonté du peuple russe de poursuivre sur la voie des réformes engagées par le
président Poutine, qui a permis notamment depuis plusieurs années le retour de
cette puissance incontournable sur la scène internationale ».
La large victoire de Poutine confirme l’ancrage démocratique de la
Russie ! ….magnifique !
Alors j’espère qu’ils n’ont pas oublié de féliciter encore plus chaudement
Islam Karimov ex-président de l’Ouzbekistan qui gagnait ses élections avec des
scores frôlant les 90%, ou encore Bouteflika et ses 81% et évidemment Ilham
Aliev président de l’Azerbaïdjan royalement élu avec des scores qui font passer
Poutine pour un petit joueur sans ambitions !
Tous ces gens ont également connu de larges succès électoraux qui
confirment, bien évidemment, « la stabilité et l'ancrage
démocratique » de leurs pays respectifs !!!!
Mais le pompon c’est certainement la dernière partie de la phrase,
« il témoigne de la volonté du peuple russe de poursuivre sur la voie
des réformes engagées par le président Poutine, qui a permis notamment depuis
plusieurs années le retour de cette puissance incontournable sur la scène
internationale »
Les réformes de Poutine auraient permis le retour de la Russie sur la scène
internationale !
Stupéfiant ! …mais de quelles réformes parle-t-on ?...En fait de
réformes, j’aurais plutôt pensé que ce retour sur la scène internationale était
plutôt lié au soutien sans faille et sans état d’âme de la Russie à tous les
dictateurs de la terre. J’aurais plutôt pensé que le retour de la Russie sur la
scène internationale était en grande partie le fait de son intervention en
Syrie, non pas pour combattre Daech, mais pour aider Assad à massacrer son
peuple. J’aurais plutôt pensé que ce retour était dû à sa capacité à annexer
sans aucun scrupule un morceau de pays annexe sous prétexte d’héritage
historique !
Alors, certes, on trouve parmi ses fervents défenseurs des gens qui sont en
contradiction systématique vis-à-vis du discours dominant, qui, dans leur
esprit est nécessairement la diffusion servile du discours du Pouvoir, mais
cela n’explique pas tout.
Cela n’explique pas qu’il soit perçu quasiment comme un modèle, à les
écouter c’est d’ailleurs tout juste s’il ne pourrait pas nous donner des leçons
de démocratie.
Pourtant, et même si la Russie c’est dotée d’une constitution longue comme
le bras suite à la chute de l’URSS, les observateurs un tant soit peu critiques
ne peuvent que constater que la pratique de la démocratie en Russie est très
sensiblement différente de la nôtre.
Pas de contre-pouvoirs face au président, les medias, la Justice, le Parlement et l’oligarchie, sont à la botte de Poutine. Les élections sont faussées par une opposition empêchée et des fraudes avérées.
Malgré cela, Poutine est, pour ses admirateurs, une sorte de modèle de ce à
quoi ils aspirent au plus profond d’eux même sans pourvoir le dire tout haut.
Il est en quelque sorte l’homme fort qui a réussi à imposer son autorité à son
pays, cet autocrate qui mène son pays d’une main de fer et qui ne s’embarrasse
pas de tous ces emmerdeurs que constituent les députés, les medias, une Justice
indépendante et de manière générale toutes ces pseudo-élites
arrogantes.
Il est le maitre d’un Etat fort qui affirme avec beaucoup de force, la
souveraineté de son pays, faisant ainsi saliver tous les anti-européanistes de
Gauche et de Droite.
Enfin, il représente l’opposant en chef aux Etats-Unis, celui qui n’est pas
inféodé au grand Satan américain, le seul à avoir les moyens et les couilles
pour lui faire face.
Alors, face à cela, peu importe qu’il se soit enrichi outrageusement durant
tous ses mandats, peu importe qu’il soit soupçonné d’avoir fermé les yeux sinon
commandité des assassinats politiques, peu importe qu’il ait écarté brutalement
ses principaux opposants, peu importe qu’il soit ouvertement homophobe, peu
importe que son aviation bombarde des civils Syriens ou qu’il bloque toute
tentative de cessez-le-feu humanitaire qui pourrait sauver des femmes et des
enfants, peu importe tout cela.
Peu importe nous rétorquera-t-on, de toute façon tout ceci n’est que complot
et calomnies, vous êtes manipulés par les forces américano-sionistes et les
pouvoirs financiers !
Cela dit, il faut être lucide, même si les élections n’avaient pas été qu’un
simulacre de grande messe démocratique, il est fort probable que Poutine eut
quand même été élu par ses concitoyens. Après tout, il ne semble pas que
ceux-ci remettent en cause l’essentiel de ce qui lui est reproché par la
plupart des occidentaux, c'est-à-dire ses agissements à l’extérieur de la
Russie, Ukraine comprise.
Ce qui doit nous amener, tout en respectant le droit de chacun d’exprimer un
avis, à nous interroger sur notre légitimité à imposer notre propre vision de
la démocratie voire de notre morale vis à vis du dirigeant élu d’un pays
souverain. Et cela même si le Peuple russe a fait clairement le choix de la
stabilité et de la sécurité au détriment de celui de la démocratie et des
libertés publiques.
Mais à contrario, sauf à avoir une vision radicalement différente de ce que
signifie la démocratie, cela ne justifie pas que l’on applaudisse des deux
mains à cette mascarade.
Et c’est probablement là que se trouve le vrai clivage, à travers le cas Poutine, ce sont bien deux visions de la démocratie qui s’opposent.