Laurence Verrey, invitée de Tulalu!?, au cinéma Bellevaux, à Lausanne

Publié le 20 mars 2018 par Francisrichard @francisrichard

Miguel Moura

Hier soir, l'association littéraire Tulalu!? recevait une poétesse, Laurence Verrey, au Bellevaux, à Lausanne. Le printemps des poètes était en avance d'un jour. Et l'hiver ne faiblissait toujours pas. Mais il faisait bon chaud dans la salle de cinéma historique dédiée à la culture...

Miguel Moura a préparé la rencontre. Il est allé rendre visite à l'auteur et, comme à l'accoutumée maintenant, il en est revenu avec des images qui sont à l'image de l'invitée et qui défilent derrière lui, en l'occurrence des pages de ses recueils de poésie.

En passant le doigt sur d'aucunes de ces pages, les lettres en relief en deviennent sensuelles; sur d'autres des dessins entrent en correspondance avec les textes; sur d'autres encore des lettres se superposent à d'autres lettres, cernées, voire dissimulées, par des volutes d'encre...

Laurence Verrey aime les rencontres. Elle a notamment parlé à Miguel de son voisin, un scientifique. Celui-ci aborde sa poésie scientifiquement comme elle aborde la science poétiquement: dans l'échange ne faut-il pas faire un pas l'un vers l'autre?

Laurence Verrey

Pierre Fankhauser

Pierre Fankhauser, l'animateur charismatique de Tulalu!?, demande à Laurence Verrey ce qu'est pour elle la beauté: pour la poétesse, dont le dernier recueil a justement pour titre La beauté comme une trêve, la beauté c'est la vie en mouvement. Ainsi aime-t-elle regarder les gens évoluer autour d'elle, et écrire... en marchant.

Quand écrit-elle sinon? De préférence au petit matin, à six heures, mais elle n'y parvient pas toujours (il faudrait se coucher tôt...). Il lui arrive de se lever la nuit, de monter à son perchoir, de saisir sur le papier le flot de mots qui la submerge, puis de se recoucher. A cette matière brute, elle fait subir un polissage le matin venu.

Elle compare cette matière brute à celle dont se servaient les surréalistes et la matière affinée, travaillée, à celle obtenue par un Paul Valéry. Pour autant ses recueils se suivent et ne se ressemblent pas. Elle aime la diversité: non seulement il n'y a pas de continuité dans son oeuvre, mais encore elle mélange allègrement les genres.

Peu de temps avant de composer les proses poétiques de Beauté, elle ne pouvait plus voir les mots en écriture. Il lui  fallait - c'était vital - les cacher sous d'autres mots, sous des dispersions d'encre (Jacques Ellul n'a-t-il pas écrit La parole humiliée?). Cette expérience existentielle a donné Cryptogrammes que Le Cadratin a édité en 48 exemplaires...

Laurence Verrey

Aujourd'hui Laurence Verrey lit elle-même ses textes. Il n'en a pas été toujours ainsi. Naguère elle avait vraiment du mal à lire en public. Aujourd'hui elle éprouve un réel plaisir à le faire. Entretemps elle a appris par l'exemple de sa fille, qui joue du violon, quel bonheur il y a à donner aux autres, en prêtant, dans son cas, sa voix à ses textes.

C'est d'ailleurs sa caractéristique, le partage avec les autres: elle préside l'association POEM, La Poésie en Mouvement (encore le mouvement...) et a organisé les Salves Poétiques de Morges en 2015 et 2017: les prochaines auront lieu en 2019, a-t-elle annoncé hier soir, ne cachant pas le travail considérable que cela représente...

Avec la poésie, qui, dit-elle, prend la vie au mot, ce qu'elle partage avec les autres c'est son monde intérieur, dans lequel elle plonge. En réalité il y a échange entre les deux mondes: le monde extérieur est ambivalent pour elle; elle le voit à la fois comme un miroir et comme un océan. Elle garde ainsi un souvenir ému d'un voyage inspiré, au Mont Ventoux, avec d'autres poètes...

Quand il s'est agi de parler hier soir de Cryptogrammes, Laurence Verrey est allée chercher quelques notes pour être claire dans ses explications. Pierre Fankhauser n'avait jamais vu ça de mémoire d'animateur. Mais Laurence Verrey savait qu'il pouvait être d'autant plus redoutable qu'il sait mettre à l'aise ses interlocuteurs.

Edmée Fleury et Laurence Verrey

Pierre Fankhauser pose une question qui embarrasse Laurence: il lui propose un joker qu'elle accepte bien volontiers. Un peu plus tôt, il lui a posé des questions et elle lui a donné des réponses qui l'ont étonnée elle-même. Alors elle l'a surnommé très naturellement Pierre l'accoucheur, parce qu'il lui rappelait la maïeutique de Socrate...

Edmée Fleury est là pour faire des intermèdes musicaux aux lectures de Laurence Verrey, qui lui a donné carte blanche. L'artiste joue d'instruments à corde qui entrent en résonance avec les textes, mais elle atteint un acmé avec sa voix, qui jaillit comme un cri venant de l'intérieur et qui illustre si bien ce que ressent la poétesse qu'elles se découvrent complices...

Francis Richard