Bishop Nehru « Elevators: Act I & II » @@@½
Sagittarius Laisser un commentaireIl y a quelques années, Bishop Nehru était ce jeune new-yorkais qu’on qualifiait de jeune prodige. À peine majeur et il tapait déjà dans l’oreille de Nas (Bishop a fait une petite pige chez Mass Appeal Records), 9th Wonder et MF Doom, avec qui il a collaboré pour cette curiosité qu’était NehruvianDOOM en 2014. Sauf qu’on n’a pas vraiment su s’il a confirmé les espoirs placés en lui vu qu’il y a eu très peu d’échos autour de ses deux sorties d’après, MAGIC:19 (2016) et Emperor Nehru’s New Groove (2017). La nouvelle d’un album entièrement produit par le mystérieux Doom, de nouveau, et la vedette canadienne Kaytranada avait de quoi nous rendre extatique à plus d’un titre, surtout avec des illustrations comme « Rooftops » et « Up Up & Away » avec Lion Babe. D’où cette irrepressible envie de répondre à cette question : qu’est-ce que ça donne Elevators: Act I & II?
Le concept de cet album, c’est Bishop qui l’explique le mieux. « Ce projet est une collection de mes sentiments qui viennent du coeur, dit-il, toutes mes idées étaient créées d’instinct et d’intuitions. Cet album est une réponse à la question ‘comment ta musique sonnerait en fonction de ce que tu ressens?' » Première indication, importante si on veut comprendre le processus créatif et le sens de chacun des morceaux (ça il va en falloir de la compréhension). « Pour ce projet, j’ai été largement influencé par la théorie de la musique et Pet Sounds des Beach Boys, ajoute le jeune rappeur de 21 ans, c’est un essai de rap ‘Pet Sounds’. » Seconde indication, utile pour appréhender l’univers très particulier, fleuri et un tantinet onirique, en somme on peut dire hippy. Maintenant qu’on a ces deux clefs, allons voir ce qu’il en est réellement.
Comme indiqué, l’album se scinde en deux parties, ou actes pour reprendre le terme exact : la première, « l’ascension », produite par Kaytranada, et la seconde, « chute libre », avec des intrus fournis par MF Doom. Ça monte très haut, puis ça descend très vite, voilà l’idée. Sur la forme, Elevators ressemble à deux EP 5-titres (sans compter les intro/interlude) accolés, d’environ un quart d’heure chacun. Maigre me direz-vous et je suis d’accord, mais malin d’un certain angle puisque c’est réfléchi pour un format simple vinyle.
Kaytranada crée un joli décor parfois exotiques (« Game of Life » reprenant les grandes lignes de la vie d’adulte en devenir), et qui monte crescendo jusqu’à toucher les nuages avec l’extrait magique que « Up Up & Away« , véritablement du Kaytranada comme on a pu l’entendre sur son album 99.9%. Acte II, on nage en terrain connu avec MF Doom, en deça de ce que nous a procuré NehruvianDOOM. Les beats ne sont pas de première fraîcheur, en particulier « Rollercoasting » qui était dans les compilations Special Herbs (merci @Balibz pour l’info). C’est agaçant de constater que Doom aime recycler des trucs vieux de dix-quinze ans, comme s’il en avait rien à foutre. Mais ça reste un terrain de jeu pour Bishop Nehru, « Potassium » est une récréation avec ses rimes en ‘-um’ et ‘-in’ et tout un tas d’autres assonances. La descente ne nous emmène pas sous terre non plus, l’ascenseur s’arrête au niveau « Rooftops » (avec sa boucle de saxophone très bien exploitée), sur lequel se surestime le rappeur quand il dit « I’m Infinite, like I’m unsigned Eminem ».
L’écoute d’Elevators Act I & II est expéditive, nous abandonnant avec un sentiment persistant de frustration que quelques écoutes répétées ne parviennent pas à dissiper. On y a visiblement un peu trop cru. À croire que Bishop Nehru a la flemme d’exploiter pleinement son potentiel, il manque de marquer les esprits en tant que rappeur.