Les chômeurs seront encore plus contrôlés. Quand les victimes deviennent des coupables...
«Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage.» Où s’arrêtera ce vieil adage populaire datant du XIIIe siècle, quand n’importe quel prétexte s’avère «nécessaire» pour stigmatiser quelqu’un afin de mieux s’en débarrasser? Les mots nous manquent pour décrire l’opération de communication et de diversion du gouvernement concernant le contrôle renforcé des chômeurs, qui nous rappelle jusqu’où peut se nicher la philosophie dominante, empreinte des pires oripeaux du néoconservatisme des dernières décennies. En dévoilant, hier, un véritable arsenal rénové de sanctions contre les sans-emploi ne «remplissant pas leurs obligations», qui s’inspire très largement des dispositifs déjà mis en œuvre en Grande-Bretagne, par exemple, l’exécutif montre du doigt les plus faibles, s’attaque à eux sans vergogne et transforme des victimes en coupables, ni plus ni moins. Le message ainsi délivré à la France entière a quelque chose de répugnant. Que doit-on entendre, sinon «salauds de chômeurs», comme certains disaient, bien des années en arrière, «salauds de pauvres»?
Qu’on se rassure, la ministre Muriel Pénicaud parle de contrôles «bienveillants» pour éviter qu’«une minorité profite du système». Le procédé est scandaleux. Au moins pour deux raisons. Primo: en réalité, seuls 41,8% des chômeurs sont indemnisés sur les 6,6 millions d’inscrits, sans compter les quelque 2 millions de citoyens qui n’entrent pas dans les statistiques (jeunes, autoentrepreneurs en difficulté, etc.), ce qui, au total, concerne près d’un actif sur trois. Secundo: la fraude en question est si marginale que, selon Pôle emploi, elle ne représente que 0,4% des cas… Pourtant, le gouvernement décide de tripler les équipes de flicage, qui devraient passer de 200 à 600 agents. Juste une suggestion en passant. Selon la Cour des comptes elle-même, la fraude aux cotisations sociales des patrons français a explosé en dix ans et représente désormais un manque à gagner de près de 25 milliards d’euros par an. Ajoutons à cette somme rondelette les 60 à 80 milliards de fraude fiscale annuelle. Et vous aurez compris la nature de la guerre de classe poursuivie par Emmanuel Macron et son gouvernement…
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 20 mars 2018.]