Mars 2018 : avant la parution du premier tome de sa Correspondance, un numéro d'Europe autour d'Yves Bonnefoy.
A propos d'Yves Bonnefoy, les articles critiques, monographies, actes de colloque et numéros spéciaux de revue sont d'ores et déjà extrêmement nombreux : Europe avait publié en juin 2003 un premier ensemble dirigé par le poète italien Fabio Scotto, un Cahier de L'Herne dirigé par Odile Bombarde et Jean-Paul Avice paraissait en 2010. Ce second cahier d'Europe est conduit par Michèle Finck, auparavant coresponsable de trois ouvrages collectifs issus de colloques, Yves Bonnefoy, poésie, peinture et musique (1995), Yves Bonnefoy et l'Europe du XX° siècle (2003) et Yves Bonnefoy, poésie et dialogue (2013).
Plusieurs des articles réunis dans ce cahier évoquent le dernier livre de Bonnefoy, L'Écharpe rouge, méditation autobiographique axée sur une ultime anamnèse du poète qui éclaire plusieurs passages des Planches courbes. Personnage pudique et taciturne, ouvrier-monteur dans les ateliers de la SNCF de Tours, pratiquant volontiers en compagnie de son épouse le parler patois en vigueur dans son village d'origine - Toirlac dans le Lot - Elie Bonnefoy, le père du poète, mourut en 1936. Son fils aura attendu la fin de sa vie pour exprimer un remords longtemps passé sous silence : quand Yves Bonnefoy décida de sa vocation d'écrivain, ce fut en partie pour réparer le mutisme de son père.
Parmi les textes qui figurent dans ce numéro d'Europe, on peut détacher deux contributions : Jérôme Thélot fait de Jean-Jacques Rousseau l'un des inspirateurs majeurs de la pensée et de la langue de Bonnefoy, Alain Madeleine-Perdrillat évoque ses écrits sur la peinture et sa critique de l'image. À quoi s'ajoute une réflexion plus étroitement biographique menée par Jean-Yves Masson qui établit ce qu'on pourrait appeler « le grand combat » d'Yves Bonnefoy, son positionnement dans la littérature de son époque : « Nous avons connu avec Yves Bonnefoy un maillon essentiel d’une chaîne qui remonte au moins à Baudelaire et Nerval, passe par Rimbaud et Mallarmé, puis par Apollinaire, puis par Jouve : un feu s’est transmis qu’il a porté haut, et qui ne s’éteint pas avec lui. »
Pendant les prochaines années, la bibliographie consacrée à Bonnefoy devrait s’amplifier considérablement. Deux événements éditoriaux, beaucoup plus conséquents que la parution de L’écharpe rouge, risquent d'être redoutablement productifs. Fin mars, chez Belles-Lettres, dans une édition établie par Odile Bombarde et Patrick Labarthe, paraîtra le premier tome de la Correspondance d’Yves Bonnefoy (2) : un volume de 1154 pages, la réunion de plus de 900 lettres échangées au lendemain de la seconde guerre mondiale. On trouvera dans ce premier recueil des lettres d'aînés comme André Breton, Gilbert Lely et Pierre Jean Jouve. Les maîtres d'Y. Bonnefoy, Gaston Bachelard, Jean Wahl, André Chastel. Le comité de rédaction de la revue L'Éphémère, André du Bouchet, Gaëtan Picon, Jacques Dupin, Louis-René des Forêts, Paul Celan. Ses amis poètes, Philippe Jaccottet, Claude Vigée, André Frénaud, Georges Henein. Ses amis peintres, Pierre Alechinsky, Christian Dotremont, Hans Bellmer et Raoul Ubac. Des traducteurs, des écrivains, professeurs ou critiques comme Michel Butor, Pierre Klossowski, Mandiargues, Jean-Pierre Richard, Boris de Schloezer et Henry Corbin.
Après quoi, dans le courant de l’année 2019, un second chantier de grande importance s’achèvera : cinq chercheurs de grande compétence - Odile Bombarde, Patrick Labarthe, Daniel Lançon, Patrick Née et Jérôme Thélot - établiront pour la Pléiade / Gallimard l'appareil critique d'un premier volume des Œuvres d’Yves Bonnefoy, principalement ses recueils de poésie, ainsi que certaines proses comme celle de L'Arrière-Pays.
Cette nouvelle donne qui concerne étroitement Yves Bonnefoy ne pourra pas faire oublier la perception que l'on peut avoir quant à l'immense travail que déploient au sein d'Europe les équipes et les responsables de numéros remarquablement coordonnés par Jean-Baptiste Para. Après le cahier Roland Dubillard / Arthur Adamov, après Yves Bonnefoy, la revue Europe qui publie sept fois par an, annonce des numéros à propos d'Heiner Müller et d'Hubert Lucot. Ensuite, les complices de Para publieront des ensembles autour de Georges Didi-Huberman, de James Sacré et de Roberto Bolano.
Alain Paire
1. Revue Europe, Mars 2018, n° 1067, cahier Yves Bonnefoy, couverture de Gérard Titus-Carmel, textes de Michèle Finck, Philippe Jaccottet, François Lallier, Jean-Michel Maulpoix, Yves Leclair, Jean Marc Sourdillon, Pierre Dhainaut, Yves Bonnefoy, Jérôme Thélot, Pierre Brunel, Béatrice Bonhomme, Dominique Combe, Tatiana Victoroff, Sophie Guermès, Patrick Werly, Patrick Née, Patrick Labarthe, Alain Madeleine-Perdrillat, Daniel Lançon, Michela Landi, Pierre Huguet, Stéphane Michaud, Jean-Pierre Lemaire, Odile Bombarde, Gérard Titus-Carmel, Jean-Yves Masson et Michel Deguy.
2. Yves Bonnefoy, Correspondance, Tome 1, texte établi par Odile Bombarde et Patrick Labarthe, Les Belles-Lettres, 2018, 1156 p., 26,90€