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Déjà deux tiers de siècle, et puis quoi encore ?

Publié le 19 mars 2018 par Francisrichard @francisrichard
Déjà deux tiers de siècle, et puis quoi encore ?

Je suis né un lundi, à 18 heures 25, il y a tout juste soixante-sept ans aujourd'hui. Depuis le jour de ma naissance il s'est donc écoulé deux tiers de siècle, ce qui correspond bien au nombre d'années qui résulte de cette fraction, sans virgule, ni décimales.

Dit comme ça, mon âge me donne une importance que je n'ai évidemment pas, mais dont j'ai l'irrésistible et impertinente envie de me targuer, comme un singe en hiver, qui aura le lendemain soixante-huit printemps...

Ce jour de ma naissance me fait penser chaque année, depuis quelques décennies, à un texte que m'a fait connaître, alors que j'avais moins de vingt ans, un directeur de Philip Morris, dont j'avais fait la connaissance dans le restaurant du Cisalpin, le TEE, Trans Europe Express, de Lausanne à Paris (où il avait rendez-vous, à La Rhumerie, avec Renaud de Laborderie).

C'est, chez lui, à Lausanne, où il m'a invité à partager avec sa petite famille le repas dominical, qu'il me  lit ce passage, dont je connais l'auteur pour l'avoir lu en même temps que je lisais Kant, Marx (qui m'a fait connaître Bastiat,  cité souvent dans Le Capital...), Nietzsche, Thomas d'Aquin ou Trotski.

Ce texte se trouve pourtant au tout début de l'avant-propos (La politique naturelle) à Mes idées politiques, de Charles Maurras, auteur qu'il serait, paraît-il, aujourd'hui indécent de commémorer, encore moins de célébrer, quelles que soient ses qualités, puisqu'il n'aurait en réalité que des défauts et sentirait le soufre:

Le petit poussin brise sa coquille et se met à courir.
Peu de choses lui manque pour crier : « Je suis libre … » Mais le petit homme ?

Au petit homme, il manque tout. Bien avant de courir, il a besoin d’être tiré de sa mère, lavé, couvert, nourri. Avant que d’être instruit des premiers pas, des premiers mots, il doit être gardé de risques mortels. Le peu qu’il a d’instinct est impuissant à lui procurer les soins nécessaires, il faut qu’il les reçoive, tout ordonnés, d’autrui.

Ce texte, que n'a pas dû ignorer Lacan, peut être interprété diversement. Pour ma part, j'y vois le fait que les hommes ne naissent ni vraiment libres ni vraiment égaux: ils doivent d'abord apprendre qu'ils sont potentiellement libres (c'est dans leur nature de l'être), et apprendre qu'ils doivent considérer leurs semblables comme des égaux en droit en raison de leur dignité intrinsèque.

Parce que je suis fondamentalement libéral - c'est mon fondamentalisme -, que je suis libéral en tout, j'ai lu, je lis et je lirai de tout, sans exclusive, mais en exerçant mon discernement, c'est-à-dire en voulant bien toujours comprendre sans toujours tout accepter: je suis en effet convaincu que, dans toute oeuvre humaine, il est quelque chose de bon à prendre.

Lors d'une rencontre organisée par Le Figaro Magazine, et dont les échanges sont publiés dans le numéro de cette semaine, entre le ministre de l'éducation Jean-Michel Blanquer et le roi Lire, Bernard Pivot, celui-ci dit des choses qui vont droit au coeur du lecteur impénitent que je suis depuis au moins l'âge de raison (c'est-à-dire depuis quelque soixante ans), parce qu'elles lui parlent:

Lire, ce n'est pas refuser le monde, mais y entrer par d'autres portes; lire, c'est prendre des nouvelles des autres; lire, c'est se frotter à des idées ou à des personnages dont on ignorait l'existence; lire, c'est étoffer son carnet d'adresses; lire, c'est agrandir ce trésor en nous qu'est la culture générale; lire, c'est parier sur l'intelligence; lire, c'est vivre mieux.

L'hebdomadaire cite un extrait du livre intitulé Lire!, comme c'est étrange!, que l'ancien animateur d'Ouvrez les guillemets et d'Apostrophes, vient, avec sa fille Cécile Pivot, de publier, extrait qui a déjà fait le tour des réseaux sociaux et que je ne peux m'empêcher de relayer à mon tour:

Les gens qui lisent sont moins cons que les autres, c'est une affaire entendue. Cela ne signifie pas que les lecteurs de littérature ne comptent pas d'imbéciles et qu'il n'y a pas de brillantes personnalités chez les non-lecteurs. Mais, en gros, ça s'entend, ça se voit, ça se renifle, les personnes qui lisent sont plus ouvertes, plus captivantes, mieux armées dans la vie que les personnes qui dédaignent les livres.

En lisant et en écrivant sur ce que je lis, je ne prétends pas être moins con que les autres, mais j'essaie d'être moins bête que je n'étais auparavant, mu, de plus, par l'envie de partager avec d'autres les trésors que je déniche ici ou là, pour qu'ils en profitent à leur tour.

- Déjà deux tiers de siècle, et puis quoi encore ?

- Un tiers de plus, peut-être...

... si Dieu me prête vie et qu'Il me donne la grâce de prendre appui, plutôt que sur l'imperfection de ma nature, sur la règle de perfection qu'élève alors au lycée Henri IV de Paris, je me suis donnée à seize ans sur la route de Chartres:

Semper longius in officium et ardorem.

Ceux qui ont la gentillesse de me lire (et je les en remercie chaleureusement puisque j'écris pour eux) ne seraient alors pas près d'être débarrassés de moi...

Francis Richard


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