Quand l'innovation n'est pas qu'un slogan sans substance pour l'entreprise, une des principales difficultés que doivent affronter rapidement ceux qui la portent est de mesurer sa performance. Lara Druyan, en charge de l'innovation sur la côte ouest pour RBC, aborde cette question… sans vraiment y apporter de réponse définitive.
Au-delà du principe général affirmant qu'« on ne peut gérer ce qu'on ne mesure pas », deux raisons essentielles doivent inciter les dirigeants à instaurer des indicateurs concrets de progrès de l'innovation. D'une part, s'agissant d'une discipline qui promeut l'expérimentation et l'apprentissage (« test and learn »), elle présuppose qu'il n'existe pas de recette magique et qu'il faut donc constamment chercher à améliorer les démarches mises en œuvre afin de les rendre plus efficaces et productives.
Par ailleurs, d'un point de vue beaucoup plus terre à terre, l'absence de tout critère d'évaluation place automatiquement l'innovation dans la position de candidat à la réduction des moyens qui lui sont alloués dès qu'une telle opération est envisagée dans l'entreprise. En effet, s'il n'est pas possible de prouver objectivement – sur la base d'indicateurs acceptés par toutes les parties prenantes – la valeur produite, les arbitrages sur les budgets, les effectifs… seront beaucoup plus difficiles à contrer.
Bien sûr, le choix des critères de validation des résultats est directement corrélé aux ambitions confiées à la structure d'innovation. Et là commencent les difficultés… Pour Lara Druyan, par exemple, le mandat de son équipe est d'accélérer l'adoption de nouvelles technologies, d'exécuter les projets plus rapidement, en délivrant de meilleurs résultats, de faciliter la collaboration avec des acteurs tiers, de transformer la culture d'entreprise… Mais comment ces objectifs peuvent-ils être correctement mesurés ?
La réponse à cette question est, hélas, laissée largement dans le flou par Lara Druyan (du moins dans l'extrait de son intervention qui est publié) et aboutit surtout à une liste de risques et de pratiques à éviter… Elle commence toutefois par une recommandation importante, qui ajoute une contrainte supplémentaire à l'exercice : il faut à tout prix limiter le nombre d'indicateurs car il est irréaliste de penser qu'une équipe puisse traiter une multitude de problèmes simultanément… certains seront fatalement négligés.
Dans le cas de RBC, sont pris en compte (ou ont été proposés) les nombres de POC (« proof of concept ») réalisés, de technologies mises en production, d'interactions avec les dirigeants de la banque (en considérant que l'équipe de Lara Druyan est basée à San Francisco, loin du reste de l'organisation), de participants aux événements et conférences organisés, des retours sur investissement des prises de participation… et une mesure du changement culturel (qui s'avère impossible, en pratique).
Tous ces critères, à l'exception, peut-être, des visites en Californie (qui révèlent un niveau d'engagement dans la démarche), comportent leurs défauts : les expérimentations menées n'ont de valeur que si elles débouchent sur une mise en production qui échappe au contrôle de l'équipe (et dont l'échelle temporelle est incompatible avec les cycles d'évaluation des employés – qui pose problème en soi), les résultats financiers du capital risque sont incompatibles avec les investissements à vocation stratégique…
L'enjeu de la mesure de la performance de l'innovation est aussi passionnant que complexe. Cependant, en admettant une fois pour toutes que – sans négliger des niveaux intermédiaires plus court-termistes – il faut l'inscrire dans une durée longue (de plusieurs années) et qu'elle doit principalement reposer sur un alignement avec la stratégie de l'entreprise (et qu'elle passera vraisemblablement, à un moment ou un autre, par un impact sur les clients), une solution satisfaisante sera certainement accessible.