Entendu, avec
satisfaction, sur
Europe 1 Dimanche dernier, Benjamin Griveaux énoncer clairement la position
du Gouvernement sur ce qu’on appelle fort indument « la cagnotte fiscale
».
« Considérer qu'il y a une cagnotte dans un pays qui depuis plus de
40 ans vote un budget en déséquilibre, qui a accumulé quasiment 100% de la
richesse nationale en dette, ce n'est pas une cagnotte »
Même si c’est bizarrement formulé, ça a le mérite d’être clair !
Enfin, un Gouvernement qui ne cède pas aux pressions (même au sein de sa
propre majorité) de ceux qui s’imaginent que parce que l’Etat bénéficie, de
manière inespérée, de recettes supplémentaires, c’est de l’argent gratuit que
l’on peut dépenser avec une belle et béate insouciance.
Or, pour ceux qui (très, très) naïvement en entendant parler de cagnotte
s’imagineraient que l’Etat a gagné de l’argent en 2017 ou plus précisément que
les recettes ont été supérieures aux dépenses, précisons qu’il ne s’agit que
d’un surplus de recette par rapport à ce qui était anticipé, et que malgré
cela, le déficit de l’Etat a atteint la coquette somme de 67,8 milliards
d’euros.
Pour donner un point de repère à ceux qui se perdent dans tous ces
milliards, cela correspond grosso-modo au budget de la Défense + le budget de
la Justice + le budget de la Culture + la Police et la Gendarmerie !
La pseudo cagnotte ne correspond en fait qu’à la différence entre ce qui
était anticipé par le Gouvernement de Hollande et ce qui a été réellement
constaté. Et tout cela grâce à une croissance (1,9%- 2%) supérieure à celle
anticipée lors de la préparation du Budget (1,7%).
Pour dire les choses autrement, les quelques milliards qui constituent cette
« cagnotte » sont des milliards empruntés.
Est-ce qu’il viendrait à l’idée de qui que ce soit, déjà endetté jusqu’au
cou, de contracter un prêt auprès de sa banque et d’en sortir en brandissant
fièrement ses sous et en clamant « regardez la belle cagnotte que j’ai
là » !
Pour repréciser encore un peu plus le contexte et bien faire comprendre en
quoi il est absurde de parler de cagnotte, il n’est pas inutile de rappeler que
la dette publique a atteint, en 2017, 2 226 milliards d’euros soit 96,8 % du
PIB de la France.
Ajoutons également que la charge de la dette devrait couter à la France 41,2
milliards d’euros en 2018 (à un poil près l’équivalent du budget de la Défense)
et ce malgré un contexte extrêmement favorable de taux très bas. Ajoutons enfin
que pour 2018, l’Agence France Trésor a chiffré son besoin de financement à 185
milliards d’euros, plaçant la France comme le deuxième plus important demandeur
de capitaux en Europe, après l’Italie.
De toute façon, imaginons un instant que c’eut été l’inverse !
Imaginons que les recettes eut été plus faibles qu’espérées du fait d’une
croissance elle-même plus faible qu’attendue !
Les mêmes qui réclament que l’Etat distribue cette manne inespérée
auraient-ils réclamé que l’on rogne dans les dépenses pour retomber sur le
budget initial ?...hors de question évidemment !
Cette histoire ça ne va que dans un sens. Les recettes sont plus élevées
qu’attendu, on augmente le déficit d’autant, par contre si elles sont plus
faibles, on ne réduit pas le déficit !...pas très cohérent tout cela
!
D’autant moins cohérent que, la dernière fois que cela a été fait (Jospin
sous la pression d’une opposition menée par Chirac), la « cagnotte »
a été convertie en allégements fiscaux et dépenses supplémentaires pour la
plupart reconductibles. En clair, non seulement on entretien un déficit
exorbitant, mais, en plus, on plombe encore un peu plus les budgets à venir
comme si les conditions favorables d’une année pour préjuger des conditions à
venir !
Donc, pitié, extirpons de notre vocabulaire collectif cette ridicule « cagnotte » qui lorsqu’elle concerne le budget de l’Etat français, n’a hélas aucun sens et n’est malheureusement pas près d’en avoir.