L'immense nuit du monde
semée de tant d'étoiles,
Prendrait-elle jamais sens,
hors de notre regard?
Car c'est le regard sur le monde qui permet d'en appréhender la beauté:
Un iris,
et tout le créé justifié;
Un regard,
et justifiée toute la vie.
C'est le regard encore qui peut transcender les choses, à condition d'y consentir:
La lumière n'est belle qu'incarnée, à travers
Un vitrail ou le verre d'une bouteille de vin...
Consentons donc au sort d'être un oeil fini
Qui se fait reflet de l'Éclat infini.
Ce regard du poète s'exerce la nuit, le jour, sur les êtres et les choses, sur la faune et la flore, en toutes saisons, printemps, été, automne, hiver, dont le rythme s'accorde au chant primordial:
Ici la gloire? Oui, c'est ici
Que damnés, nous avons appris
A nous sauver par le chant - Aum
Qui nous conduit au vrai royaume.
Le royaume est à bâtir, incessamment, par les chants, certes, mais aussi par les oeuvres:
Qui accueille s'enrichit, qui exclut s'appauvrit.
Qui élève s'élève, qui abaisse s'abaisse.
Qui oublie se délie, qui se souvient advient.
Qui vit de mort périt, qui vit de vie sur-vit.
Et, dans son Envoi, François Cheng propose un art de vivre qui parachève son recueil Enfin le royaume, où, par de seuls quatrains dont la forme concise est expression universelle, il dit l'essentiel que l'existence a cristallisé en lui:
Ne quémande rien. N'attends pas
D'être un jour payé de retour.
Ce que tu donnes trace une voie
Te menant plus loin que tes pas.
Francis Richard
Enfin le royaume, François Cheng, 160 pages, Gallimard
Livres précédents chez Albin Michel:
Assise-Une rencontre inattendue (2014)
De l'âme (2016)