Filmer la création musicale au plus près. Dans l’écriture précise et méthodique des partitions, mais aussi dans l’expérimentation, les essais, et le réagencement des sons. Amoureux de musique, de ses nuances, de ses différents genres que tout peut opposer, Mathieu Amalric (excellent acteur de cinéma, mais aussi très bon réalisateur notamment du tout récent Barbara) fait, et se fait plaisir avec la réalisation d’un court et d’un moyen-métrage documentaires, Music is Music et Zorn (2010-2017). À la musique contemporaine du premier, le second répond par la fureur d’un métal jazzy, protéiforme et expérimental. Dans un cas comme dans l’autre, le voile levé sur les coulisses de la création, sur ce qui meut ces artistes dans leur exigence et leur passion. À défaut de pouvoir en saisir le sens, Amalric en capte au moins l’essence : celle de la communication émotionnelle sans mots dire, uniquement par les notes et le son. Par la noblesse et la pureté d’instruments institutionnalisés, ou la convocation de méthodes plus archaïques, telles que des gargarismes ou l’entrechoc de billes de métal, aux résultats bruts faits d’aspérités, faisant la part belle à l’inattendu et, à l’occasion, à l’inespéré.
Par-delà la musique en tant qu’art à savourer, Amalric s’attache cependant à mettre l’emphase sur celles et ceux capables de l’incarner et de la créer. Tout sauf un hasard de le voir ainsi filmer à nouveau Barbara Hannigan, et d’avoir suivi à intervalles réguliers John Zorn pendant sept années. La création, oui, mais avant tout par celles et ceux qui la font. Il est ainsi un véritable plaisir de voir à l’œuvre une virtuose aussi intense, à l’envie aussi communicative même si parfois proche de la folie, que peut l’être Barbara Hannigan. Une curiosité non feinte de constater avec quelle détermination, de doutes et de fragilité mêlés, John Zorn appréhende ses nouvelles compositions, mais aussi assiste à leur concrétisation, sur scène, face au public. Quand ce qui vient de soi s’émancipe, pour devenir et s’incarner entre les mains d’autrui.
Deux films, deux formats, deux propositions qui se répondent et se complètent dans l’étude de l’art musical dans ce qu’il peut avoir, au sens propre du terme, de véritablement génial. Laissant d’autant plus de regrets quant à la mise en scène déployée par Mathieu Amalric, dont la passion transparaît certes par les thématiques, ses sujets, et ses idées, mais jamais dans la structure, le montage, et la musicalité. Ce qui pour du cinéma, quel que soit l’intérêt réel que ces deux films arrivent à susciter, laisse quelque peu sur une faim hélas pas tout à fait comblée.
Films vus dans le cadre du Festival International du film sur l’art 2018