Je l’avoue, j’ai une passion dévorante pour le fromage. Et en bonne Française, si on m’avait dit un jour que j’aimerais du fromage irlandais… Lors d’un brunch Green & Cheese délicieux chez Désirée, organisé par Bord Bia, j’ai découvert les nombreuses manières de cuisiner ces fromages, aux goûts très subtiles.
Mon favori a tout de suite été Cashel Blue, un bleu ultra doux, très original derrière lequel se cache une femme et toute l’histoire d’une famille Irlandaise, celle de Sarah Furno. Pourquoi faire tout un fromage de son parcours ? Sans doute parce qu’il est jalonné de courage, de défis et d’amour.
Et puis surtout pour ce prix gagné par Organic Cashel Blue et Sarah au dernier Salon du fromage et des produits laitiers, le Prix Coup de coeur ! Bravo à elle et son équipe !
L’Arrogante : Bonjour Sarah, en quelques mots, qui êtes-vous ? Quelle est votre histoire ?
Sarah Furno : Je suis la fille d’un agriculteur éleveur et d’une cuisinière et femme aux origines italiennes. Mes parents ont cherché au début des années 80 un moyen de faire vivre la ferme familiale. C’était une période économiquement très difficile, et en un instant, ma mère a eu l’idée de faire du fromage enfin de valoriser le lait de la ferme. Il n’y avait pas d’appellation pour le fromage dans le coin alors elle a décidé de faire quelque chose de nouveau, un bleu ! J’avais 6 ans au lancement de ce bleu, et mes premiers souvenirs de la production de ce fromage sont des sacs en lin plein de caille suspendus au plafond de notre cuisine pour l’égouttage ! Je vous raconte tout cela car je pense que cette lutte, ce combat autour de moi a beaucoup influencé mon état d’esprit.
Comment êtes-vous arrivée à prendre les rênes de Cashel Blue ?
Sarah Furno : J’ai suivi des études en politique européenne et française à l’Université. J’ai travaillé ensuite pendant 5 ans dans l’importation et vente des vins, en parallèle, j’ai étudié pour être diplômée de la « Wine and Spirit Education Trust« . En 2001, je me suis mariée avec Sergio et pour notre lune de miel, nous avons décidé de travailler dans le monde du vin en France et en Italie, pendant un an et demi, mais lors de ce séjour, on s’est retrouvé en amour pour des fromagers dans les Hautes Alpes (à la Laiterie du Col Bayard). Notre but était de lancer notre propre entreprise dans l’importation des vins en Irlande, à côté de l’entreprise familiale. Février 2003, nous étions de retour en Irlande en vacances. À ce moment-là, c’était clair que mon père avait besoin d’un coup de main, en plus, on s’est rendus compte qu’il y avait une main d’oeuvre du travail à développer dans l’affinage de nos fromages. Donc laissant à part nos propres projets, nous avons pris en charge la qualité du fromage après la production. Et c’est à ce moment précis, en 2011, que nous avons repris les rênes de la ferme.
Quels sont vos défis aujourd’hui ?
Sarah Furno : Nous avons une superbe équipe qui est très fidèle, alors on n’a pas de problème avec le personnel. Parfois, c’est difficile au niveau des goûts de leur expliquer les exigences diverses de notre clientèle dans le monde. Par exemple, l’affinage pour un fromage destiné à Paris n’est pas pareil à un Cashel qui est destiné à passer 6 semaines sur un bateau en passage par l ‘Australie! Les logistiques sont toujours un challenge pour un petit producteur comme nous !
On connaît peu les fromages Irlandais en France et pourtant, ils sont délicieux. Qu’est-ce que vous dîtes aux Parisien.n.e.s qui n’y ont jamais goûté ?
Sarah Furno : On parle toujours d’équilibre du goût, en général, lorsque l’on pense aux fromages bleus, on a tendance à penser qu’ils vont être fort, surtout les bleus au lait de brebis comme les Roquefort. Nos bleus ont bien sûr du goût mais sans avoir cette côté chaud ou épicé. La longueur en bouche est aussi très importante. Soit au lait de vache (Cashel Blue), soit au lait de brebis (Crozier Blue), les fromages sont crémeux mais subtiles et complexes en même temps.
En quoi la production de fromage en Irlande est importante ?
Sarah Furno : La majeure partie du lait en Irlande est élaborée soit en Cheddar, soit en beurre via des énormes coopératives. Il faut se rendre compte que l’Irlande est une petite île, avec une population inférieure à 5 millions donc il n’y a pas un assez grand marché pour les fromages à pâte molle et pâte persillée. C’est notre famille qui a créé ce lien entre l’Irlande et la production de bleu !
Pensez-vous qu’être une femme dans ce secteur est difficile ?
Sarah Furno : Je ne pense pas vraiment mais c’est intéressant que vous me posiez la question, vous n’êtes pas la première ! Je suis fille unique donc pour perdurer la production familiale, il n’y avait que moi (et mon fabuleux mari, Sergio) ! C’est vrai que traditionnellement, il n’y a pas beaucoup de femmes dans le secteur du fromage mais on voit que ça change, surtout à l’étranger comme au Japon ou au Brésil. J’ai eu l’honneur au Salon de l’Agriculture d’être nommée par la Guilde du Fromage, Maître Fromager, je suis ravie !
En quoi Cashel se distingue des autres producteurs irlandais ?
Sarah Furno : Forcément, c’est l’affinage de nos fromages. Peut-être aussi le fait que l’on travaille le lait de brebis aussi bien que le lait de vache. Parler le français ça aide aussi, nous avons un esprit très ouvert et mondial, pour une production familiale et traditionnelle qui s’exporte.
Avez-vous une recette ou un moment à nous partager pour goûter le Crozier Blue ?
Sarah Furno : C’est difficile, il y en a tellement selon la saison ! Au printemps, les Crozier sont plus affinés, en général 7 à 9 mois donc j’aime le manger avec des saveurs pures, c’est à dire une poire, des noix, ça peut très bien se marier avec une bière brune mais honnêtement le Sauterne est top avec notre Crozier ! Rester sur des choses de qualité et d’une certaine simplicité. Pour changer, les betteraves rôties avec une vinaigrette à base de balsamique et un peu du miel et puis finir le plat avec du Crozier sur de la salade mâche avec des noix, c’est pas mal pour un déjeuner !
Avec quel ingrédient français pensez-vous que ce fromage puisse bien se marier ?
Sarah Furno : Easy, les figues et le Sauterne !
Comment se passent vos journées ? Quelles sont vos activités ?
Sarah Furno : Il y a un pré entre la fromagerie et ma maison donc c’est assez simple pour moi de basculer de mon rôle de maman de trois enfants à celui de gérante de la fromagerie et de notre ferme de 70 hectares. J’essaye toujours de faire un tour de la fromagerie et parler avec tout le monde, la communication est tellement importante, puis je passe une heure par jour à sélectionner les fromages pour chaque commande. Il y a bien sûr les conversations avec les éleveurs, les emails, les visiteurs et les clients. Nous sommes une petite équipe en gestion donc la polyvalence est essentielle, je passe beaucoup du temps à trouver des solutions plutôt que des problèmes !
Qu’est-ce que vous aimez le plus en France, en tant qu’Irlandaise ?
Sarah Furno : Si je n’avais pas une ferme familiale en Irlande, je vivrais en France. Les aides sociales et les droits sociaux en France sont incroyables, mais ce n’est pas assez pour m’attirer forcément. Ce sont les Alpes que j’aime le plus, nous n’avons pas des vastes montagnes en Irlande et celles-ci, en France, je les adore !
Le bon plan : tester le brunch chez Désirée pour la Saint-Patrick (et oui !) ce samedi 17 mars. Ne le manquez pas, ça va être une tuerie…
DÉSIRÉE, 5 rue de la Folie Méricourt Paris 11e
Pour toute réservation, contactez Audrey ouMathildeau : 09 81 02 52 13.
Les adresses précieuses où acheter du fromage Cashel Blue en France.