Le thé sous la plume

Publié le 04 juillet 2008 par Vanessav
« Le thé dans l’encrier » de Gilles BROCHARD, illustré par Ruben ALTERIO, m’a apporté de beaux moments de lecture. Merci Flo!
Je suis tout de même restée sur ma réserve. Cette ouverture sur les écrits d'auteurs divers, en nous livrant leur passion pour la boisson est une belle proposition. De PROUST, à SAND, en passant par JOYCE, MORAND, GENET et j'en passe. Peut-être parce que je n’avais lu aucun des écrivains cités, parce que le choix d’un style mêlant des souvenirs de rencontre, inventée ou réelle, à des extraits de leurs bibliographies m’a laissé dans un vague sentiment d’inachevé. Ou peut-être parce que le salon de thé, particulier ou public, n’est pas forcément le lieu où je préfère le thé.
« Au temps de la neige, de la lune ou des fleurs, on pense le mieux à ses amis. Voilà l’esprit de l’art du thé. Une « réunion de thé » est une communion des sentiments, quand de bons amis se retrouvent au meilleur moment, dans les meilleures conditions. » Yasunari KAWABATA.
Il est très souvent question de classe social, de vie intime, de snobisme. J’ai pourtant aimé la sensation que le thé apporte à ces écrivains : une pointe de liberté, de sensualité, de séduction, d’oubli, de voyage etc…je crois qu’il me faut aller plus loin dans les univers littéraires de chacun pour savourer à sa juste valeur ce livre. J’ai plus eu l’impression de lire un livre sur la littérature avec comme prétexte le thé qu’un thé comme inspiration littéraire, sagesse de vie. Je ne peux cependant qu’être d’accord avec son auteur : « Les « théiomanes » ne sont pas des gens comme tout le monde. Ils sont différents. De leur breuvage favori leur viennent l’inspiration, une certaine inclinaison pour la quiétude et la sagesse qui remonte aux Chinois, aux Japonais et un sentiment proche de la mélancolie qui donne cette grâce indéfinissable dont le secret qu’ils ont de le boire et de le célébrer. "Le goût du thé possède un charme subtil qui le rend irrésistible et particulièrement susceptible d’idéalisation", remarque Okakura Kakuzo dans son Livre du Thé(…). Le thé n’a pas l’arrogance du vin, l’individualisme conscient du café, l’innocence souriante du cacao. »

*source livre: "Je ne suis qu'une petite goutte de thé sur une place historique"

Thé du passé, thé du présent, thé du réconfort ou de l’inspiration. Thé de l’ivresse aussi (avec de l’éther, du whisky etc…). Thé des enfants aussi, liquide dans lequel une madeleine est trempé, auquel est rajouté beaucoup de crème et de sucre, comme un lait concentré sucré…thé des poètes : « …ce papillon maladroit qui avait soumis ses ailes à l’épreuve du vent cette lointaine figurine chinoise peinte sur le fond d’une tasse à thé… » (extrait de « Brève vie de Katherine Mansfield » de Pietro CITATI).
Les chapitres sur Anaïs NIN, François AUGIERAS et Alexandra DAVID-NEEL étaient beaucoup trop courts, même celui sur Frédéric NIETZSCHE : « Tous les préjugés viennent des entrailles. Etre « cul de plomb », j’l’ai déjà dit, voilà le grand pêcher contre l’esprit ». Mes moments préférés ont été ceux où le thé apparaissait comme une philosophie de vie. « Je disperse les orties sur mes dalles, continuait-il : sèches, réduites en poudre, fumées elles ont le goût, et faiblement les propriétés du hachisch. Puis je me prépare du thé ; je ne me nourris que de thé, de beurre, de sel, de lumière ; la faim allège mon âme, et je ne souffre pas de cela. Je suis heureux : j’aime l’air, et je ne m’en lasse pas. » (extrait de « Domme ou L’essai d’occupation » de François AUGIERAS)


*source livre: " Ma caverne sent violemment le beurre fondu, la fumée, le thé"
De quoi vouloir lire du David-Neel, grande amatrice de thé, sachant la sagesse qu'il y a derrière les rituels du thé, pour ses voyages initiatiques au Népal et Tibet, et du Augiéras, pour cet ermitage de lumière, vous vous en doutez.

*source livre: " L'esprit du thé est devenu un art de vivre"
Les illustrations de Ruben ALTERIO offrent un aspect mélancolique, un peu suranné. Ces propositions sont magnifiques et correspondent bien à cette œuvre de critique littéraire : comme une tache de thé sur des cahiers d’écriture, qui dans un clignement d’œil, forme une image. Ses illustrations sont visibles ici, ne vous fiez pas aux erreurs, en cliquant sur une des images « erreur » vous les aurez toutes.
Flo nous livre son avis, assez engageant, malgré les coquilles qu’elle a trouvées dans le texte. Merci Flo de m'avoir prêté ton exemplaire. Katell aussi est comblée et propose cette lecture à tous les amoureux du thé.