En 2008, un des premiers chantiers engagés avec Ogilvy était de définir ces êtres étranges s’exprimant sur les forums, les blogs qui voyaient leurs pouvoirs supposés parvenir à faire trembler les grandes entreprises. Un exemple qui fit prendre conscience que quelque chose d’énorme était en train de se passer : le badbuzz contre Nestlé (sur l’affaire de l’huile de palme) directement corrélé avec un décrochage en bourse.
La définition initiale était empreinte de démocracie participative et d’espoir :
un influenceur “digital”, c’était des gens qui parlent à d’autres gens par le biais d’une technologie et qui ont la capacité à générer du changement auprès de une ou plusieurs personnes.
Une capture d’écran du premier article de blog de Garance Doré en … 2006 !
Rapidement, quelques biais apparaissaient :
- la volonté de la personne à vouloir générer du changement est somme toute relative : la plupart des traces digitales laissées en ligne et qui peuvent avoir une incidence sur un acte d’achat sont…innocentes
- le format “texte” et/ou “conversationnel” est a minima ambigu, et a maxima très élitiste : énormément de traces digitales qui ont une incidence sur les autres gens passent par d’autres formats comme l’image
Une tentative de définition plus actualisée pourrait prendre cette forme :
un influenceur “digital”, ce sont des gens qui interagissent volontairement ou non avec d’autres gens par le biais d’une technologie et qui ont la capacité à générer du changement auprès de une ou plusieurs personnes sur une période donnée.
Une définition qui ouvre toute une série de considérations techniques et éthiques :
- l’orchestration de la dimension “volontaire” de l’influence pose débat : il y aurait des publics qui savent se servir de ces leviers…et d’autres non
- la dimension “systémique” ouvre une interrogation sur la possibilité de rendre vraiment mercantile ou transactionnelle l’influence : on en doûte à long-terme, car elle ne prend en compte que la partie média (et pas sociale) de l’influenceur qui pour grandir a bien évidemment besoin d’une communauté, plus qu d’une audience
- la partie technologique couvre le champ de tout ce qu’un réseau ou média social a comme règles du jeu afin de devenir leader sur celui-ci; c’est particulièrement vrai sur Instagram où la création d’une série de contenus qui explore avec brillance une fonctionnalité peut faire d’un “compte” un…compte à suivre
- la partie historicité est là-aussi très importante; non pas seulement à cause de la supposée instantanétié des nouveaux réseaux qui forcent le “live” (générer du retour, c’est un peu comme allumer sa télévision : il faut du neuf et pas tant des archives…n’en déplaise au mythe autour de la VOD ou Netflix) mais aussi du fait de la difficulté de retrouver des articles, pages web ou plus généralement ressources d’il y a quelques années 1- parce que les sites disparaissent 2- parce qu’il faut un niveau d’expertise élevé afin de savoir faire des recherches 3- parce qu’à part certains médias ou forums, peu de plateformes ont une dimension archiviste
- il reste aussi une part d’aléatoire sur ce qui fait de vous un influenceur digital; comme dans la vraie vie et à compétences égales, certains posts ou contenus émergeront par la grâce d’un algorithme (parlez-en à tous les blogueurs : il y a toujours un ou deux posts qui génèrent un nombre conséquent de pages vues…)